Voilà quatre jours que la population a suivi en direct l’audition du Judicial Committee du Privy Council sur l’appel interjeté par le Directeur des poursuites publiques (DPP) quant au jugement d’acquittement prononcé par la Cour suprême dans l’affaire Medpoint.
La patience, mère de toutes les vertus, sera désormais mise à rude épreuve jusqu’à ce que le jugement soit prononcé par les Law Lords.
Ils ne sont pas nombreux, jusqu’ici, à s’être hasardés à prendre le risque d’un pronostic. Pour une des rares fois, l’ensemble de la classe politique a fait preuve d’une grande prudence, retenant son souffle.
Grâce à l’internet, un grand nombre de familles mauriciennes a découvert avec intérêt les travaux du Judicial Committee du Privy Council où les caméras ont fait leur entrée. Nous nous sommes mis à rêver de pouvoir un jour suivre en direct des procès importants devant les hautes instances judiciaires du pays. Ce qui aurait permis à la population de se familiariser avec le judiciaire qui, pour le moment, demeure formel et austère. Bon nombre ont été frappés par la simplicité des juges et des membres du barreau britannique. Perruques et toges ont été mises au rancart.
Les échanges sont clairs, courtois, respectueux, directs et fermes. Les plaidoiries de Clare Montgomery et de David Perry ont été très documentées et les interrogations des juges très éclairantes. Cependant, tout cela ne relève que d’une partie des travaux. Les juges devront maintenant se pencher sur le poids des arguments, des documents à leur disposition, des jugements précédents prononcés respectivement par la Cour intermédiaire et la Cour suprême tout en sachant, comme ils l’ont reconnu, que leur décision revêt une très grande importance pour le pays.
Au-delà des enjeux devant le Privy Council, il faut reconnaître que Maurice a projeté l’image d’une démocratie vivante et d’un État de droit au plan international. Il est rare en Afrique de voir un DPP remettre en cause un jugement concernant un Premier ministre devant une si haute instance. Toutefois, on ne peut empêcher le PMSD de revendiquer le mérite d’avoir protégé l’indépendance du DPP en démissionnant du gouvernement. On s’est rendu également compte de l’importance du Privy Council dans le système judiciaire mauricien. Ce qui permet de rassurer tous ceux qui veulent investir ou faire des affaires à Maurice.
Il ne faut pas oublier que grâce au recours de Rezistans ek Alternativ devant le Privy Council le pays finira, un jour ou l’autre, par être doté d’une bonne réforme électorale. Il est vrai, néanmoins, en raison de son coût élevé, que le recours au Privy Council n’est pas accessible au premier venu.
Le seul hic au tableau concerne la présence du directeur de l’ICAC à Londres alors que ni le Premier ministre et ni le DPP, deux principaux concernés, n’ont fait le déplacement. Une question que ne manqueront pas d’évoquer les différents états-majors politiques durant le week-end.
Avec ce qui se passe à Londres, l’affaire Medpoint revient avec force dans les débats politiques à Maurice. Elle le sera quel que soit le jugement du Privy Council. Elle sera un tremplin pour Pravind Jugnauth en cas de victoire et un fonds de commerce majeur pour les partis de l’Opposition dans le cas contraire.
Ce qui nous amène à dire qu’il existe un risque qu’elle soit utilisée comme moteur principal dans le cadre de la campagne électorale qui dominera l’année 2019. C’est là que les électeurs doivent se montrer vigilants. L’enjeu des prochaines élections ne doit pas être pour ou contre Medpoint mais doit prendre en compte la présentation de programmes crédibles et convaincants et le respect des valeurs. Et surtout la présentation des équipes composées de personnes honnêtes et compétentes capables de permettre au pays de relever les défis économiques majeurs qui se présentent au sein de notre République, à commencer par les menaces qui guettent le secteur financier mauricien…
JEAN MARC POCHÉ