Après avoir défrayé la chronique pendant plusieurs semaines, la réforme du système électoral a, comme l’a annoncé Le Mauricien en début de semaine, refait surface avec la décision gouvernementale de proposer un projet de texte de loi à l’Assemblée nationale avant la fin de l’année. Le projet, conformément aux procédures constitutionnelles, a été soumis à l’Electoral Supervisory Commission (ESC) qui l’a étudié hier et qui devra donner son avis avant que le gouvernement aille de l’avant avec sa démarche.
Pour rappel, le Premier ministre a proposé le 21 septembre dernier un projet de réforme électorale portant sur l’élection de 60 candidats à Maurice et 3 candidats à Rodrigues selon le scrutin majoritaire. 12 sièges pourront être alloués selon le système de Représentation proportionnelle aux partis ayant obtenu un minimum de 10% des suffrages nationaux. De plus, les leaders politiques devront choisir six best loser seats afin de rétablir la majorité numérique obtenue par le parti sorti victorieux lors du FPTP. Sur la liste de représentation proportionnelle, pas plus de deux candidats consécutifs ne pourront être du même sexe ouvrant ainsi la voie à une meilleure représentation des femmes au parlement. Le projet de réforme prévoit également que ces élus sur la liste proportionnelle ne pourront cross the floor.
Comme nous le savons, ce projet de réforme a été rejeté à l’unanimité par l’ensemble des partis de l’Opposition, en particulier l’idée que les députés nommés par les leaders des partis politiques devraient être utilisés pour corriger tout changement causé par représentation proportionnelle dont la vocation consiste à rétablir autant que possible le déséquilibre observé lors de l’élection selon le système First-Past-The-Post. Le projet a été qualifié de non-réforme par le MMM, de recul de la démocratie par le Parti Travailliste, de « reset pou ki pena sanzman » par Rezistans ek Alternativ. Lalit se prononça pour un parlement de 105 membres alors que le PMSD a lié la réforme au redécoupage des circonscriptions. Du côté de la majorité, le Premier ministre adjoint et leader du Muvman liberater, Ivan Collendavelloo, qui avait été associé à d’autres projets de réforme dans le passé, était monté au créneau pour affirmer que la réforme proposée par le gouvernement représente une grande avancée par rapport à ce qui a prévalu durant un demi-siècle. Pour lui, le gouvernement est ouvert aux propositions valables sauf qu’il ne fallait pas déroger aux principes édictés par le comité ministériel et avalisés par le Cabinet, c’est-à-dire la stabilité politique afin de protéger le tissu socio-économique de la République. De son côté, le dirigeant du MSM, Nando Bodha estime que la réforme n’est pas seulement un calcul mathématique et algorithmique. La sensibilité et la spécificité de la population doivent être prises en considération. Il estime toutefois que la réforme ne peut se faire que dans un certain consensus.
Devant la levée de boucliers de l’Opposition et le risque que le texte de loi ne bénéficie pas d’une majorité parlementaire de trois quarts, d’aucuns auraient pu croire que le projet avait été enterré. En revenant à la charge avec le projet, le Premier ministre veut, semble-t-il, faire montre de cohérence dans sa stratégie et entend démontrer qu’il est un homme de parole. Espérons que sa démarche ne s’inscrit pas uniquement dans une stratégie politique visant uniquement à mettre toute absence de réforme sur le dos des partis de l’Opposition. Dans lequel cas, nous nous acheminerons vers des débats parlementaires stériles contraires à la démocratie représentative. Selon ce principe de démocratie, le Parlement doit être un espace de liberté où tous les représentants du peuple doivent débattre, argumenter et confronter des points de vue contradictoires ou consensuels de manière organisée, avec pour but de dégager une synthèse acceptable et de créer un consensus sur des sujets d’intérêt national. Il serait inutile d’engager tout débat parlementaire sur un sujet aussi important si chacun devait rester camper sur sa position, et ce serait encore une fois une occasion ratée.
Jean Marc Poché
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