Signe des temps? C’est sous le drapeau de la contestation que s’est amorcé ce week-end chez nous.D’un côté, à la promenade Roland Armand entre Rose Hill et Beau Bassin, une manifestation montée par des artistes et citoyens pour protester contre l’abattage programmé des magnifiques arbres qui rythment cette promenade, pour faire de la place au Metro Express. Projet, il faut le rappeler, que le gouvernement a fait passer en force après avoir fait de son rejet un de ses thèmes de campagne. Et pour lequel les autorités se sont exonérées de l’obligation, pourtant imposée à tout projet, de soumettre un rapport d’étude d’impact environnemental.
De l’autre côté, à Port Louis, une manifestation qui prolonge la contestation déjà bien amorcée du projet hôtelier qui privatise la plage de Pomponette, sur la côte sud. Une sorte de point d’orgue d’un mouvement coordonné par le regroupement Aret Kokin Nou Laplaz (AKNL) et qui, au cours de ces dernières semaines, a vu non seulement des actions en cour mais aussi sur le terrain, avec à deux reprises l’enlèvement par les manifestants des clôtures posées sur le site par le promoteur sud-africain.
De toute évidence, nous sommes entrés dans l’ère de la contestation. Plus seulement de vagues protestations ou irritations. Ce que l’on voit actuellement, c’est la mise sur pied de mouvements organisés, qui, forts de diverses compétences et en utilisant tous les moyens de communication disponibles, montent des campagnes qui utilisent toutes les avenues possibles de combat. Qu’elles soient légales ou plus directes, avec l’apport du grand public.
Cela pourrait se révéler significatif d’un nouvel état d’esprit. Où les citoyens sont désormais décidés à aller au-delà du mécontentement verbal pour véritablement prendre les choses en main et tenter d’influer, concrètement, sur le cours des choses.
Il sera dans ce contexte extrêmement intéressant de voir les résultats de l’élection partielle prévue le week-end prochain dans la circonscription n°18. Voir si les électeurs de Belle Rose – Quatre Bornes vont dans le sens de la contestation de l’ordre établi ou choisissent de perpétuer les grandes logiques électoralistes qui ont eu cours jusqu’ici.
Il n’a jamais été aisé de fédérer les gens autour d’une lutte, même si elle les concerne directement. Chez nous, selon les chiffres révélés cette semaine, seuls 15% des employés du privé sont syndiqués. A Paris hier, certains ironisaient sur le fait que centaines de milliers de personnes se soient massées aux abords des Champs Elysées pour chanter Johnny Hallyday alors que les manifestations organisées contre les nouvelles lois du travail peinent à réunir des manifestants. Beaucoup de facteurs sont en jeu. Mais sans doute est-il temps de ré-apprendre ce que la mise en réseau peut nous apporter comme richesse et bénéfices. Et c’est peut-être de la nature que nous viendra cette leçon…
C’est en tout cas ce que tend à montrer un magnifique documentaire actuellement projeté à Paris, L’intelligence des arbres, réalisé par une équipe allemande. On y fait connaissance avec Peter Wohlleben, forestier en Allemagne, qui a, au fil des ans, observé que les arbres de sa région communiquaient les uns avec les autres, en s’occupant des arbres naissants, des arbres anciens et des arbres voisins quand ils sont malades. A partir de ces observations, il a écrit «La vie secrète des arbres», vite devenu un best-seller. Et ses «intuitions» et observations ont par la suite été confirmées par les travaux minutieux de scientifiques, que l’on suit pas à pas dans ce documentaire.
Ce que cela montre au fond, c’est effectivement que les arbres communiquent entre eux à travers un réseau extrêmement ramifié et développé, qui passe sous terre où leurs racines s’entremêlent mais aussi à travers des signaux hors terre qui sont échangés par exemple en cas d’attaque extérieure (insectes, parasites divers) et qui permettent de se protéger. On découvre ainsi une sorte de «Wood Wide Web», à l’image du World Wide Web, le réseau internet qui connecte aujourd’hui la planète entière. Avec des arbres qui savent échanger des nutriments et des informations, et prendre soin les uns des autres.
Et il est édifiant d’entendre un des scientifiques interrogés affirmer sa conviction qu’une fois qu’on en aura pris la pleine mesure, ces découvertes amèneront des bouleversements aussi importants dans nos vies qu’en a amenés la révolution informatique.
Interconnections et interdépendance sont au centre du monde que nous voudrons construire pour nous-mêmes et pour nos enfants. Nous sommes tous liés, et lorsque Donald Trump annonce que les États-Unis comptent reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israel, on mesure la folie d’une décision si évidemment liée à une volonté de faire marcher l’industrie de la guerre. Seuls quelques intérêts ont à y gagner, gros, très gros. Le reste du monde a tout à y perdre, à commencer par la paix.
Il est donc plus que jamais souhaitable que davantage de citoyens se mobilisent là où se montrent les failles de politiques qui n’affichent et n’agissent que selon des visions à très court terme et très égoïstes de notre développement.
C’est peut-être de cette confrontation que peut naître l’espoir d’un monde plus juste…