En ce moment, des HSC School leavers font leur choix de carrière et la comptabilité figure parmi les disciplines privilégiées. La profession de comptable à Maurice n’est-elle pas arrivée à un seuil de saturation ?
On ne peut parler de saturation en ce qui concerne spécifiquement les experts-comptables ayant un niveau élevé d’expertise. La comptabilité est une fonction et une profession qui requièrent de nombreuses aptitudes. Seuls les experts-comptables ont le droit d’auditer et de signer des comptes et d’offrir certains services. Les compétences et conseils d’experts-comptables sont recherchés par des organisations privées et publiques. De plus, le développement du secteur financier à Maurice implique de faire appel à des ressources qualifiées et expertes, selon les normes et les attentes globales. La formation en comptabilité et la reconnaissance des compétences afin d’exercer à des niveaux élevés se font à travers diverses filières. Je peux me prononcer au sujet de la filière de l’Association of Chartered Certified Accountants (ACCA), que je représente et où on ne peut parler de saturation. Tenez, plus de 85% des 3 800 experts-comptables à Maurice sont membres de l’ACCA. Cela montre encore l’importance d’adopter cette filière, très demandée par les entreprises privées et les organisations gouvernementales. D’ailleurs, de nombreux avis de recrutement mentionnent spécifiquement une qualification ACCA. Il y a donc un besoin pour des experts-comptables du niveau de ceux qui suivent la filière ACCA. Ceux qui optent pour cette filière bénéficient d’une formation dépassant les seules techniques comptables et touchant au management, au leadership et à l’éthique.
Le comptable ne porte-t-il pas une part de responsabilité dans les nombreux scandales financiers que nous entendons, touchant à la fois des entreprises de toute dimension et des organisations dites non-profitables ?
La comptabilité demeure l’une des professions les plus respectées dans le monde et l’éthique est une valeur qui a toute son importance dans ce métier. Dans l’intérêt public, le comptable a l’obligation d’exercer son métier d’après les règlements de la profession. L’expert-comptable peut occuper différentes fonctions au sein d’une organisation ou intervenir avec une mission spécifique en tant que prestataire externe comme le font les cabinets d’audit dans ce dernier cas. Les responsabilités sont donc très variées et chaque organisation devrait avoir ses structures de contrôle en gardant en tête que des lacunes peuvent avoir un impact sur l’efficacité et la pérennité de l’organisation. S’agissant de l’ACCA, l’éthique est placée au premier plan de l’exercice du métier. D’ailleurs, le programme d’études inclut un module spécifique consacré à cette question et nos membres dans tous les pays doivent respecter un code d’éthique très strict.
Y a-t-il une instance habilitée pour sanctionner un comptable trouvé coupable de certains manquements ?
Au sein de l’ACCA, des enquêtes sont menées lorsque des manquements sont portés à la connaissance de l’organisation. Un comité disciplinaire se penche sur les cas qui lui sont soumis par un assesseur indépendant à la suite d’une enquête portant sur des allégations faites à l’encontre d’un de ses membres ou d’autres personnes ou organisations ayant un lien avec notre organisation. Des sanctions sont prises en cas de manquement avéré et la radiation de l’ACCA n’est pas exclue.
Elle a déjà radié des membres et peut aussi annuler les inscriptions d’étudiants en cas de manquements. Les sanctions sont rendues publiques à travers des communiqués de presse et figurent aussi sur notre site. Les autorités du pays où exerce la personne sanctionnée en sont aussi informées.
De nos jours, de nombreuses entreprises ont recours aux contractuels pour leur comptabilité au lieu d’avoir un comptable à titre permanent. Est-ce que cette pratique ne favorise pas des risques d’irrégularité ?
La vraie question est de savoir si ces entreprises font appel à des comptables qualifiés et aux professionnels. Dans le domaine de la comptabilité, il y a une catégorie de personnes qui ont une connaissance et des qualifications comptables et une autre catégorie de professionnels qui sont devenus experts-comptables après des études plus pointues. Nous recommandons aux entreprises de faire appel aux services d’un comptable membre d’une organisation professionnelle. Ce critère permet de s’assurer que cette personne détient les compétences relatives au travail qu’on lui confie, et surtout qu’elle exerce sa profession selon les règlements du pays. Tout manquement de sa part pourra faire l’objet d’une enquête par l’organisation à laquelle il est affilié.
Puisque vous parlez de compétences, quels sont les “basic requirements” pour entrer en comptabilité ? Est-ce que les personnes n’ayant pas fait de comptabilité en HSC peuvent aspirer à une carrière de comptable ?
Avant tout, une personne doit décider du niveau auquel elle veut démarrer ses études. Cela dépendra aussi des qualifications académiques qu’elle détient déjà. À ceux qui n’ont pas complété le HSC, l’ACCA propose des Foundations in Accountancy menant à une ACCA Qualification. À partir de là, ils peuvent aller plus loin dans leurs études. Mais voyons les choses de façon moins technique. Il est vrai qu’une bonne performance en comptabilité au niveau du HSC est un atout pour celui qui aspire à une carrière dans ce domaine, mais à mon avis le niveau académique atteint à la fin du secondaire n’est pas la seule indication déterminant l’avenir professionnel d’un jeune ni n’assure l’aptitude intégrale de cette personne, qui veut se lancer dans une carrière de comptable. Certes, la comptabilité requiert une base académique mais dans ce métier comme dans d’autres secteurs, il nous faut des personnes capables d’évoluer professionnellement et socialement. L’aboutissement des études, l’efficacité dans l’exercice du métier, le respect de l’éthique et les perspectives de carrière dépendent de la personnalité et de l’ambition de l’individu.
Justement, qu’est-ce qu’un bon comptable et quelles sont ses perspectives professionnelles ?
Un bon comptable est celui ou celle qui a la maîtrise technique du métier, qui sait acquérir et développer des compétences spécialisées et s’adapter à la nouveauté économique et technologique pour répondre aux nouveaux défis. Il respecte aussi l’éthique et doit aussi être capable d’une remise en question nécessaire face à l’innovation. La connaissance technique ne suffit pas.
Dans ce métier aussi, les “soft skills” comptent beaucoup. Il est bon de savoir qu’un expert-comptable a beaucoup d’opportunités professionnelles. Il peut travailler dans n’importe quel secteur, être employé d’entreprise, exercer en free-lance ou créer sa propre entreprise. L’expert-comptable peut offrir ses services dans l’audit, dans le conseil financier ou dans l’expertise fiscale. Notre plateforme ACCA Careers donne une bonne indication sur les perspectives d’emploi. En outre, les connaissances et l’expertise acquises permettent de poursuivre des études spécialisées dans d’autres domaines, tels le Forensic. Au-delà de l’exercice purement comptable, les experts-comptables sont appelés à participer à la gestion et aux prises de décisions à divers niveaux dans des organisations privées et publiques, moyennant bien sûr une connaissance pointue de la comptabilité et de la gestion financière. Vu le fait que l’ACCA est une qualification internationale et reconnue dans plus de 180 pays, nos membres ont des perspectives de carrière à l’étranger. C’est d’ailleurs le cas de plusieurs membres ACCA mauriciens qui travaillent pour de grandes organisations internationales.
Est-ce que la formation continue fait partie des exigences professionnelles du comptable afin qu’il s’adapte aux nouveaux besoins et au contexte financier d’un pays ?
Bien sûr. De nos jours, la formation continue est un must dans tous les secteurs professionnels et au niveau de l’ACCA, il y a ce qu’on appelle le Continuous Professional Development (CPD). Afin de conserver leur statut chaque année au sein de l’organisation, nos membres doivent suivre des séances de formation spécialisée organisées par des institutions et des firmes reconnues En outre, notre programme est mis à jour régulièrement afin de tenir compte de l’évolution économique, sociale et technologique du monde à laquelle Maurice n’échappe pas. Ce programme est conforme aux normes internationales.
Pourquoi alors autant de cas de malversations au sein des entreprises ou dans des associations ?
Le respect des normes et de l’éthique est d’importance primordiale pour les experts-comptables. L’ACCA elle-même en fait un élément clé de sa formation et de la sélection de ses membres. La profession d’expert-comptable a fait l’objet d’une attention particulière dans le passé, à la suite de scandales financiers révélés par des donneurs d’alerte comme Michael Woodford dans le cas d’Olympus ou encore avec la chute de la firme Enron.
Grâce au formidable travail des médias et des journalistes, le public est mieux informé aujourd’hui dans la minute qui suit de tout scandale financier touchant des organisations privées et publiques. C’est pour cette raison que les Mauriciens sont plus sensibles de nos jours à la gestion financière des institutions et choisissent de faire confiance à telle ou telle entreprise en fonction de la conduite de leurs affaires. Une bonne utilisation des nouvelles technologies associée à une meilleure organisation et une maîtrise de l’information permettent de resserrer les mailles du filet afin d’identifier d’éventuels manquements et leurs auteurs.
Quel est le mécanisme de contrôle officiel pour la profession des comptables ?
À Maurice, il existe la Mauritius Institute of Professional Accountants, regroupant tous les experts-comptables du pays, et qui a mis en place des mécanismes de contrôle pour la profession. À son niveau, l’ACCA A ses règlements auxquels doivent se conformer ses membres et ses étudiants répartis à travers le monde. L’organisation a elle-même l’obligation de rendre compte à des organismes de régulation et doit mettre en place des systèmes de vérification de ses experts-comptables. Elle octroie aussi des permis pour exercer, vérifie le niveau de prestation et le comportement des membres, prend des actions à l’encontre de membres qui commettent des fautes professionnelles. Dans certains pays, l’ACCA a aussi un statut de régulateur national.