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Marjaana Sall : « Le partenariat Maurice-UE a contribué à améliorer la vie de milliers de Mauriciens »

« Le partenariat UE-Maurice est aujourd’hui encore très dynamique et nous avons pour objectif de le renforcer », constate l’ambassadrice de l’Union européenne à Maurice, Marjaana Sall, dans une interview accordée au Mauricien en marge de la Journée de l’Europe, célébrée le 9 mai dernier. L’ambassadrice passe en revue le passage de la coopération économique à un partenariat basé sur un dialogue politique régulier et étroit, ainsi que sur la poursuite d’intérêts communs, tels que la lutte contre le changement climatique, la gouvernance des océans et la paix et la sécurité, y compris la sécurité maritime et la cybersécurité. Elle renouvelle aussi la volonté de l’UE de soutenir Maurice dans sa vision d’évoluer vers un pays à revenu élevé.

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L’Union européenne célèbre ses 40 ans de relations avec Maurice. Quels ont été les points forts de cette coopération ?

L’UE et Maurice sont des partenaires de longue date. Depuis plus de 40 ans, ce partenariat a contribué à améliorer la vie de milliers de personnes à Maurice et à Rodrigues. En matière de développement, Maurice a beaucoup bénéficié de la coopération entre l’UE et le groupe des États d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Nos relations ont longtemps été axées sur le secteur du sucre. Depuis l’entrée en vigueur du Protocole sucre, en 1975, les exportations de sucre de Maurice ont bénéficié d’un accès préférentiel au marché de l’UE, ce qui a joué un rôle crucial dans le développement économique et social du pays.

Lorsque l’industrie sucrière a été confrontée à la fin de cet accès préférentiel, l’UE a soutenu la mise en œuvre de la réforme du secteur. Au cours des huit dernières années, l’UE a soutenu avec plus de 300 millions d’euros, soit Rs 12 milliards, le programme de réformes économiques et sociales du gouvernement. La plus grande partie de cet appui a été allouée au programme de réforme du secteur du sucre, permettant au secteur d’améliorer sa compétitivité et de se diversifier pour commercialiser de nouveaux produits issus de la canne. Cet appui a également permis d’améliorer l’accès à l’éducation et les opportunités économiques pour les groupes les plus vulnérables.

L’action de l’UE a également contribué à la réduction de la pauvreté et à la croissance inclusive. Nous finançons actuellement des projets visant à améliorer l’accès à l’eau potable pour 1 000 familles parmi les plus vulnérables de Rodrigues et des projets pour les organisations de la société civile. Depuis 2006, plus de 400 projets communautaires ont été mis en œuvre avec succès à Maurice et à Rodrigues. Ces projets ont notamment porté sur la formation des femmes pour leur permettre de devenir autonomes financièrement, mais également sur la formation des jeunes déscolarisés pour leur permettre de trouver un métier et d’avoir une base solide pour démarrer leur vie professionnelle.

Vous insistez sur le fait que la coopération entre Maurice et l’UE est passée de l’aide au développement pour devenir un partenariat UE-Maurice. Qu’est-ce cela veut dire concrètement ?

Permettez-moi de faire un petit détour vers l’accord de partenariat de Cotonou. Cet accord, qui lie l’UE et le groupe des ACP, dont fait partie Maurice, est basé sur trois axes : la coopération au développement (des subventions qui viennent du Fonds européen de développement), les relations économiques et commerciales, et le dialogue politique. Pendant longtemps, nous avons accompagné le développement économique et social de Maurice avec de la coopération au développement, de l’aide au développement si vous préférez. Étant donné que Maurice est devenue un pays à revenus intermédiaires, nous sommes maintenant dans un partenariat plutôt que dans une relation « bailleur – pays bénéficiaire ». Nous avons évidemment des liens commerciaux forts, notamment grâce à l’accord de partenariat économique (APE) que nous avons signé en 2009. Notre partenariat est aussi basé sur un dialogue politique régulier et étroit, et sur la poursuite d’intérêts communs tels que la lutte contre le changement climatique, la gouvernance des océans et la paix et la sécurité, y compris la sécurité maritime et la cybersécurité.

Au niveau de la sécurité maritime, nous restons engagés auprès des pays de la région, y compris Maurice. C’est un engagement que nous avons pu confirmer lors de la récente conférence ministérielle organisée par Maurice et la Commission de l’océan Indien. Cette conférence a été un succès puisque deux accords ont été signés sous le programme régional de sécurité maritime (MASE) que finance l’UE, le premier sur l’échange et le partage d’information maritime, et le second sur la coordination d’opérations conjointes.

Au niveau du changement climatique, nous avons commencé un dialogue au niveau technique et nous attendons de lancer prochainement le dialogue au niveau ministériel. Nous avons également eu le premier dialogue politique sur le genre le 7 mai dernier. Lors de ce dialogue, nous avons adopté un cadre pour le suivi conjoint (Joint Monitoring Framework) de la mise en œuvre du plan d’action genre UE-Maurice. C’est une étape très importante pour assurer que les filles et les femmes atteignent l’égalité dans tous les aspects de la vie.

Nous continuons aussi la coopération au développement avec un programme bilatéral de 9,9 millions d’euros pour les quatre prochaines années et divers projets en cours. Par ailleurs, nous discutons avec le gouvernement pour voir comment Maurice peut bénéficier d’autres instruments tels que le “blending” (mixage de subventions et de prêts), notamment pour le financement de grands projets d’infrastructures avec une portée régionale.

Comment a évolué ce partenariat avec le temps ?

L’UE est prête à soutenir le gouvernement dans la réalisation de sa vision d’évoluer vers un pays à revenu élevé. Mais il est clair que notre partenariat n’est plus basé sur une relation traditionnelle « bailleur – pays bénéficiaire ». Il a évolué et porte désormais sur des valeurs communes et des sujets d’intérêt mutuel allant bien au-delà de la coopération au développement, notamment les droits de l’homme, la sécurité maritime, le commerce, la migration, la culture et le changement climatique.

Le partenariat UE-Maurice est aujourd’hui encore très dynamique et nous avons pour objectif de le renforcer. C’est un message que j’ai transmis lors de notre dialogue politique en 2017 et qui reste valable aujourd’hui. Notre vision est celle d’un partenariat qui accorde plus d’importance aux facteurs clés de la croissance durable, tels l’égalité des genres, le commerce et l’investissement, mais aussi la transition écologique de l’économie.

Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour faire face, main dans la main, à des enjeux de nature globale qu’aucun pays ne peut gérer seul. C’est le cas de la lutte contre le dérèglement climatique, qui est un danger en particulier pour les Petits États insulaires en développement comme Maurice. C’est aussi le cas de la sécurité maritime. Dans ce domaine, nous avons récemment confirmé notre engagement pour promouvoir la sécurité maritime dans cette région lors de la conférence ministérielle organisée par la République de Maurice et la Commission de l’océan Indien.

L’Union européenne est non seulement un partenaire de développement mais également un partenaire commercial. Pouvez-vous nous en parler ?

Depuis plusieurs décennies, l’UE et Maurice ont établi des liens commerciaux solides. Aujourd’hui, l’UE reste le principal partenaire commercial de Maurice. 50% des exportations mauriciennes sont acheminées sur le marché européen. Notre partenariat commercial n’est pas statique : il a évolué pour être conforme aux règles multilatérales de l’OMC. Nous avons ainsi signé un accord de partenariat économique en 2009 qui offre à Maurice un accès au marché européen sans quotas ni droits de douane. Les entreprises mauriciennes dans les secteurs de la manufacture, de la pêche et de l’agro-industrie que nous avons interrogées ont toutes été positives quant à l’impact de l’accord de partenariat économique sur leurs exportations. Cela nous conforte dans notre engagement à continuer à soutenir Maurice dans la mise en œuvre de cet accord pour permettre aux opérateurs de bénéficier des avantages que cet accord peut leur offrir.

Depuis quelques années, de hauts cadres de l’UE et de Maurice se rencontrent pour un dialogue politique. Quelle est la pertinence de cet exercice et quels sont les sujets traités ?

Lors du prochain dialogue politique, qui aura lieu en juin, nous aurons l’occasion de voir comment renforcer notre partenariat dans les domaines prioritaires tels le développement durable, l’égalité des genres, la paix et la sécurité maritime au niveau régional, la lutte contre le changement climatique et la transition écologique, l’économie bleue, le commerce et les investissements.

Notre programme bilatéral jusqu’en 2020 met l’accent sur l’éducation tertiaire ainsi que la recherche et l’innovation, qui représentent des facteurs essentiels pour stimuler le capital humain dans le pays et ainsi générer une croissance future. Nous continuons à promouvoir une plus grande participation des femmes dans la sphère économique car nous pensons qu’elles représentent un potentiel non négligeable qui n’est pas totalement exploité. Nous sommes engagés à apporter notre soutien à nos pays partenaires pour la mise en œuvre de l’accord de Paris et avons lancé un nouveau projet pour promouvoir la Climate Smart Agriculture auprès des petits agriculteurs à Maurice et à Rodrigues. Cela leur permettra d’adopter de nouvelles techniques mieux adaptées aux effets du changement climatique. Nous soutenons la transition écologique des entreprises, plus particulièrement les petites et moyennes entreprises, ainsi que le tourisme durable.

L’Economic Development Board a lancé jeudi après-midi le projet de e-licencing Platform, réalisé avec l’aide de l’UE. Que pouvez-vous en dire ?

Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour mettre en place une plateforme électronique qui sera un point d’entrée unique pour les permis d’exploitation et les licences. L’UE a apporté une aide financière à hauteur de 10 millions d’euros à ce projet, qui est mis en œuvre par l’Economic Development Board et qui a pour objectif de faciliter l’environnement des affaires et des investissements en réduisant le nombre de demandes de permis d’exploitation, et le temps requis pour obtenir des permis d’exploitation et des licences. Nous soutenons également Maurice pour la révision de la législation sur la propriété intellectuelle, qui permettra au pays de se doter d’un cadre juridique solide pour protéger les droits de propriété industrielle.

L’économie océanique est présentée comme un pilier de l’économie mauricienne. Comment l’UE peut aider le pays à développer ce secteur économique ?
Nous poursuivons notre coopération dans le domaine de la pêche et de l’économie océanique. L’accord de partenariat dans le secteur de la pêche que nous avons récemment signé implique une contribution financière annuelle de l’UE pour le développement du secteur de la pêche et de l’économie océanique. Nous soutenons pleinement la vision du gouvernement dans le domaine de l’économie océanique. C’est un message qui a été réaffirmé par le directeur général des Affaires maritimes et de la Pêche de la Commission européenne lors de sa récente mission à Maurice. Nous sommes engagés auprès des pays de la région, y compris Maurice, dans le domaine de la sécurité maritime. Je tiens à souligner que l’action de l’UE est conforme aux engagements que nous avons pris lors de la Conférence “Our Ocean”, que nous avons organisée à Malte en octobre dernier.

L’UE est également partie prenante de certaines initiatives mauriciennes en Afrique, dont la création de zones économiques spéciales en Afrique. Maurice peut-elle être partenaire de l’UE sur le continent africain ?

En termes d’investissements, je pense que la stratégie pour l’Afrique de Maurice, qui fait partie de la Vision 2030, est une initiative importante pour augmenter les flux d’investissement dans le pays et ainsi stimuler la croissance économique de Maurice. Je pense que le plan européen d’investissement extérieur, que l’UE a récemment lancé et qui sera bientôt opérationnel, représente de nouvelles opportunités de travailler ensemble pour la mise en œuvre de la stratégie de Maurice en Afrique et la promotion d’un développement plus durable. En effet, le plan vise à réduire les risques pour l’investissement privé en Afrique grâce à la garantie du Fonds européen de développement durable. Il fournira également une assistance technique pour la préparation de projets d’investissement et renforcera le dialogue politique pour stabiliser le climat d’investissement.

Comment se présente l’avenir du partenariat entre l’UE et Maurice ? Dans quelle mesure le Brexit affectera-t-il nos relations ? 

Le partenariat UE-Maurice est un partenariat qui est à l’œuvre aujourd’hui. Il est aussi tourné vers le futur. Et quand on parle du futur de nos relations, on en vient immanquablement à l’impact possible du Brexit sur la politique extérieure de l’UE. Comme vous le savez, les négociations sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l’UE, après son retrait, sont toujours en cours. Mais ce que je peux dire, c’est que l’UE est déterminée à avoir un partenariat aussi étroit que possible avec le Royaume-Uni à l’avenir. Ce partenariat devrait porter sur la coopération commerciale et la coopération économique ainsi que sur d’autres domaines, notamment la lutte contre le terrorisme et la criminalité internationale, ainsi que la politique étrangère, de sécurité et de défense.

En termes de perspectives futures, l’UE et le groupe ACP, y compris Maurice, sont déjà en train de préparer l’après Cotonou (l’accord de Cotonou ACP-UE prendra fin en 2020, Ndlr). L’UE et les pays ACP représentent ensemble plus de 100 pays et plus de la moitié des États membres des Nations unies. Ensemble, nous avons un rôle important à jouer dans la définition des priorités mondiales et dans la coopération internationale. L’UE a déjà dit qu’elle était en faveur de la modernisation du partenariat ACP-UE. Ce partenariat modernisé nous permettra de relever ensemble les défis mondiaux actuels.

Après trois ans passés à Maurice, quels sont les projets que vous avez eus à cœur en tant qu’ambassadrice, mais également en tant que femme ? 

J’ai vu beaucoup de projets qui m’ont beaucoup touchée et j’ai rencontré des acteurs de la société civile vraiment remarquables, qui s’engagent chaque jour pour une société plus juste. L’un de ces projets, c’est le Centre de formation agricole Frère Rémy, à Rodrigues, pour des jeunes filles et garçons âgés de 12 à 18 ans. En plus de former les jeunes pour qu’ils aient un métier ou créent leur propre entreprise, le centre est totalement écologique. Un autre projet qui est pour moi un exemple réussi de collaboration entre partenaires internationaux, secteur public et secteur privé, c’est le Programme national d’efficacité énergétique (PNEE). Les parties prenantes sont le ministère des Utilités publiques et Business Mauritius, l’Union européenne et l’Agence française de développement. L’engagement du secteur privé dans la lutte contre le changement climatique, la promotion d’une énergie durable et de l’économie verte est une nécessité si nous voulons atteindre les objectifs de développement durable.

De manière plus générale, il y a un domaine qui me tient particulièrement à cœur : c’est celui du droit des femmes et de l’égalité entre les hommes et les femmes. Peut-être parce que je suis une femme avec de hautes responsabilités, je suis sensible à cette question. Je pense qu’il est important de donner la chance aux filles et aux femmes de développer leur plein potentiel. Je pense que le fait de ne pas utiliser le potentiel que les filles et les femmes représentent pour notre société n’a pas de sens, ni au niveau social ni au niveau économique.

Une série d’activités sont organisées cette semaine pour marquer la semaine de l’Europe…

En cette Semaine de l’Europe (du 7 au 10 mai, Ndlr), nous avons organisé plusieurs activités qui reflètent le dynamisme et la diversité du partenariat UE-Maurice. Ces activités sont : 1) le dialogue sur le genre avec la ministre de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et de la Protection de la famille, pour faire progresser notre travail conjoint dans ce domaine important (7 mai); 2) le lancement, en collaboration avec l’Economic Development Board, de la plateforme électronique d’octroi pour les permis d’exploitation et les licences (10 mai); 3) le lancement avec le ministre de l’Environnement du projet de la Mauritius Tourism Authority sur le tourisme durable (10 mai); 4) une exposition intitulée “Maurice-Union européenne: une histoire partagée, un avenir commun”, qui est accessible au grand public du 10 au 17 mai au Plaza; et 5) une table ronde sur le patrimoine culturel et le développement économique (10 mai) au Plaza.

Pour cette dernière activité, je voudrais dire que Maurice est souvent citée en exemple pour sa richesse culturelle et l’harmonie sociale qui y règne. Nous croyons également au potentiel de la diversité culturelle et du patrimoine du pays en termes de développement durable. La réception du 9 mai au Plaza mercredi soir était un beau moment de partage avec tous nos partenaires du secteur public, du secteur privé, des missions diplomatiques et de la société civile. Pour l’occasion, le Plaza était illuminé en bleu et jaune, les couleurs de l’Union européenne. Cette performance a été réalisée par la compagnie Move for Art, qui a organisé pendant trois ans le festival Porlwi by Light.

Je suis fière du partenariat UE-Maurice, qui est encore à l’œuvre aujourd’hui. C’est ce partenariat que nous avons tenu à mettre en valeur durant la Semaine de l’Europe. C’est un partenariat que nous sommes déterminés à poursuivre. Nous n’avons pas choisi le titre de notre exposition par hasard; nous avons une histoire et nous avons un avenir commun que nous devons continuer à construire ensemble.

L’ambassadrice passe en revue le passage de la coopération économique à un partenariat basé sur un dialogue politique régulier et étroit, ainsi que sur la poursuite d’intérêts communs, tels que la lutte contre le changement climatique, la gouvernance des océans et la paix et la sécurité, y compris la sécurité maritime et la cybersécurité. Elle renouvelle aussi la volonté de l’UE de soutenir Maurice dans sa vision d’évoluer vers un pays à revenu élevé.

L’Union européenne célèbre ses 40 ans de relations avec Maurice. Quels ont été les points forts de cette coopération ?

L’UE et Maurice sont des partenaires de longue date. Depuis plus de 40 ans, ce partenariat a contribué à améliorer la vie de milliers de personnes à Maurice et à Rodrigues. En matière de développement, Maurice a beaucoup bénéficié de la coopération entre l’UE et le groupe des États d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Nos relations ont longtemps été axées sur le secteur du sucre. Depuis l’entrée en vigueur du Protocole sucre, en 1975, les exportations de sucre de Maurice ont bénéficié d’un accès préférentiel au marché de l’UE, ce qui a joué un rôle crucial dans le développement économique et social du pays.

Lorsque l’industrie sucrière a été confrontée à la fin de cet accès préférentiel, l’UE a soutenu la mise en œuvre de la réforme du secteur. Au cours des huit dernières années, l’UE a soutenu avec plus de 300 millions d’euros, soit Rs 12 milliards, le programme de réformes économiques et sociales du gouvernement. La plus grande partie de cet appui a été allouée au programme de réforme du secteur du sucre, permettant au secteur d’améliorer sa compétitivité et de se diversifier pour commercialiser de nouveaux produits issus de la canne. Cet appui a également permis d’améliorer l’accès à l’éducation et les opportunités économiques pour les groupes les plus vulnérables.

L’action de l’UE a également contribué à la réduction de la pauvreté et à la croissance inclusive. Nous finançons actuellement des projets visant à améliorer l’accès à l’eau potable pour 1 000 familles parmi les plus vulnérables de Rodrigues et des projets pour les organisations de la société civile. Depuis 2006, plus de 400 projets communautaires ont été mis en œuvre avec succès à Maurice et à Rodrigues. Ces projets ont notamment porté sur la formation des femmes pour leur permettre de devenir autonomes financièrement, mais également sur la formation des jeunes déscolarisés pour leur permettre de trouver un métier et d’avoir une base solide pour démarrer leur vie professionnelle.

Vous insistez sur le fait que la coopération entre Maurice et l’UE est passée de l’aide au développement pour devenir un partenariat UE-Maurice. Qu’est-ce cela veut dire concrètement ?

Permettez-moi de faire un petit détour vers l’accord de partenariat de Cotonou. Cet accord, qui lie l’UE et le groupe des ACP, dont fait partie Maurice, est basé sur trois axes : la coopération au développement (des subventions qui viennent du Fonds européen de développement), les relations économiques et commerciales, et le dialogue politique. Pendant longtemps, nous avons accompagné le développement économique et social de Maurice avec de la coopération au développement, de l’aide au développement si vous préférez. Étant donné que Maurice est devenue un pays à revenus intermédiaires, nous sommes maintenant dans un partenariat plutôt que dans une relation « bailleur – pays bénéficiaire ». Nous avons évidemment des liens commerciaux forts, notamment grâce à l’accord de partenariat économique (APE) que nous avons signé en 2009. Notre partenariat est aussi basé sur un dialogue politique régulier et étroit, et sur la poursuite d’intérêts communs tels que la lutte contre le changement climatique, la gouvernance des océans et la paix et la sécurité, y compris la sécurité maritime et la cybersécurité.

Au niveau de la sécurité maritime, nous restons engagés auprès des pays de la région, y compris Maurice. C’est un engagement que nous avons pu confirmer lors de la récente conférence ministérielle organisée par Maurice et la Commission de l’océan Indien. Cette conférence a été un succès puisque deux accords ont été signés sous le programme régional de sécurité maritime (MASE) que finance l’UE, le premier sur l’échange et le partage d’information maritime, et le second sur la coordination d’opérations conjointes.

Au niveau du changement climatique, nous avons commencé un dialogue au niveau technique et nous attendons de lancer prochainement le dialogue au niveau ministériel. Nous avons également eu le premier dialogue politique sur le genre le 7 mai dernier. Lors de ce dialogue, nous avons adopté un cadre pour le suivi conjoint (Joint Monitoring Framework) de la mise en œuvre du plan d’action genre UE-Maurice. C’est une étape très importante pour assurer que les filles et les femmes atteignent l’égalité dans tous les aspects de la vie.

Nous continuons aussi la coopération au développement avec un programme bilatéral de 9,9 millions d’euros pour les quatre prochaines années et divers projets en cours. Par ailleurs, nous discutons avec le gouvernement pour voir comment Maurice peut bénéficier d’autres instruments tels que le “blending” (mixage de subventions et de prêts), notamment pour le financement de grands projets d’infrastructures avec une portée régionale.

Comment a évolué ce partenariat avec le temps ?

L’UE est prête à soutenir le gouvernement dans la réalisation de sa vision d’évoluer vers un pays à revenu élevé. Mais il est clair que notre partenariat n’est plus basé sur une relation traditionnelle « bailleur – pays bénéficiaire ». Il a évolué et porte désormais sur des valeurs communes et des sujets d’intérêt mutuel allant bien au-delà de la coopération au développement, notamment les droits de l’homme, la sécurité maritime, le commerce, la migration, la culture et le changement climatique.

Le partenariat UE-Maurice est aujourd’hui encore très dynamique et nous avons pour objectif de le renforcer. C’est un message que j’ai transmis lors de notre dialogue politique en 2017 et qui reste valable aujourd’hui. Notre vision est celle d’un partenariat qui accorde plus d’importance aux facteurs clés de la croissance durable, tels l’égalité des genres, le commerce et l’investissement, mais aussi la transition écologique de l’économie.

Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour faire face, main dans la main, à des enjeux de nature globale qu’aucun pays ne peut gérer seul. C’est le cas de la lutte contre le dérèglement climatique, qui est un danger en particulier pour les Petits États insulaires en développement comme Maurice. C’est aussi le cas de la sécurité maritime. Dans ce domaine, nous avons récemment confirmé notre engagement pour promouvoir la sécurité maritime dans cette région lors de la conférence ministérielle organisée par la République de Maurice et la Commission de l’océan Indien.

L’Union européenne est non seulement un partenaire de développement mais également un partenaire commercial. Pouvez-vous nous en parler ?

Depuis plusieurs décennies, l’UE et Maurice ont établi des liens commerciaux solides. Aujourd’hui, l’UE reste le principal partenaire commercial de Maurice. 50% des exportations mauriciennes sont acheminées sur le marché européen. Notre partenariat commercial n’est pas statique : il a évolué pour être conforme aux règles multilatérales de l’OMC. Nous avons ainsi signé un accord de partenariat économique en 2009 qui offre à Maurice un accès au marché européen sans quotas ni droits de douane. Les entreprises mauriciennes dans les secteurs de la manufacture, de la pêche et de l’agro-industrie que nous avons interrogées ont toutes été positives quant à l’impact de l’accord de partenariat économique sur leurs exportations. Cela nous conforte dans notre engagement à continuer à soutenir Maurice dans la mise en œuvre de cet accord pour permettre aux opérateurs de bénéficier des avantages que cet accord peut leur offrir.

Depuis quelques années, de hauts cadres de l’UE et de Maurice se rencontrent pour un dialogue politique. Quelle est la pertinence de cet exercice et quels sont les sujets traités ?

Lors du prochain dialogue politique, qui aura lieu en juin, nous aurons l’occasion de voir comment renforcer notre partenariat dans les domaines prioritaires tels le développement durable, l’égalité des genres, la paix et la sécurité maritime au niveau régional, la lutte contre le changement climatique et la transition écologique, l’économie bleue, le commerce et les investissements.

Notre programme bilatéral jusqu’en 2020 met l’accent sur l’éducation tertiaire ainsi que la recherche et l’innovation, qui représentent des facteurs essentiels pour stimuler le capital humain dans le pays et ainsi générer une croissance future. Nous continuons à promouvoir une plus grande participation des femmes dans la sphère économique car nous pensons qu’elles représentent un potentiel non négligeable qui n’est pas totalement exploité. Nous sommes engagés à apporter notre soutien à nos pays partenaires pour la mise en œuvre de l’accord de Paris et avons lancé un nouveau projet pour promouvoir la Climate Smart Agriculture auprès des petits agriculteurs à Maurice et à Rodrigues. Cela leur permettra d’adopter de nouvelles techniques mieux adaptées aux effets du changement climatique. Nous soutenons la transition écologique des entreprises, plus particulièrement les petites et moyennes entreprises, ainsi que le tourisme durable.

L’Economic Development Board a lancé jeudi après-midi le projet de e-licencing Platform, réalisé avec l’aide de l’UE. Que pouvez-vous en dire ?

Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour mettre en place une plateforme électronique qui sera un point d’entrée unique pour les permis d’exploitation et les licences. L’UE a apporté une aide financière à hauteur de 10 millions d’euros à ce projet, qui est mis en œuvre par l’Economic Development Board et qui a pour objectif de faciliter l’environnement des affaires et des investissements en réduisant le nombre de demandes de permis d’exploitation, et le temps requis pour obtenir des permis d’exploitation et des licences. Nous soutenons également Maurice pour la révision de la législation sur la propriété intellectuelle, qui permettra au pays de se doter d’un cadre juridique solide pour protéger les droits de propriété industrielle.

L’économie océanique est présentée comme un pilier de l’économie mauricienne. Comment l’UE peut aider le pays à développer ce secteur économique ?
Nous poursuivons notre coopération dans le domaine de la pêche et de l’économie océanique. L’accord de partenariat dans le secteur de la pêche que nous avons récemment signé implique une contribution financière annuelle de l’UE pour le développement du secteur de la pêche et de l’économie océanique. Nous soutenons pleinement la vision du gouvernement dans le domaine de l’économie océanique. C’est un message qui a été réaffirmé par le directeur général des Affaires maritimes et de la Pêche de la Commission européenne lors de sa récente mission à Maurice. Nous sommes engagés auprès des pays de la région, y compris Maurice, dans le domaine de la sécurité maritime. Je tiens à souligner que l’action de l’UE est conforme aux engagements que nous avons pris lors de la Conférence “Our Ocean”, que nous avons organisée à Malte en octobre dernier.

L’UE est également partie prenante de certaines initiatives mauriciennes en Afrique, dont la création de zones économiques spéciales en Afrique. Maurice peut-elle être partenaire de l’UE sur le continent africain ?

En termes d’investissements, je pense que la stratégie pour l’Afrique de Maurice, qui fait partie de la Vision 2030, est une initiative importante pour augmenter les flux d’investissement dans le pays et ainsi stimuler la croissance économique de Maurice. Je pense que le plan européen d’investissement extérieur, que l’UE a récemment lancé et qui sera bientôt opérationnel, représente de nouvelles opportunités de travailler ensemble pour la mise en œuvre de la stratégie de Maurice en Afrique et la promotion d’un développement plus durable. En effet, le plan vise à réduire les risques pour l’investissement privé en Afrique grâce à la garantie du Fonds européen de développement durable. Il fournira également une assistance technique pour la préparation de projets d’investissement et renforcera le dialogue politique pour stabiliser le climat d’investissement.

Comment se présente l’avenir du partenariat entre l’UE et Maurice ? Dans quelle mesure le Brexit affectera-t-il nos relations ? 

Le partenariat UE-Maurice est un partenariat qui est à l’œuvre aujourd’hui. Il est aussi tourné vers le futur. Et quand on parle du futur de nos relations, on en vient immanquablement à l’impact possible du Brexit sur la politique extérieure de l’UE. Comme vous le savez, les négociations sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l’UE, après son retrait, sont toujours en cours. Mais ce que je peux dire, c’est que l’UE est déterminée à avoir un partenariat aussi étroit que possible avec le Royaume-Uni à l’avenir. Ce partenariat devrait porter sur la coopération commerciale et la coopération économique ainsi que sur d’autres domaines, notamment la lutte contre le terrorisme et la criminalité internationale, ainsi que la politique étrangère, de sécurité et de défense.

En termes de perspectives futures, l’UE et le groupe ACP, y compris Maurice, sont déjà en train de préparer l’après Cotonou (l’accord de Cotonou ACP-UE prendra fin en 2020, Ndlr). L’UE et les pays ACP représentent ensemble plus de 100 pays et plus de la moitié des États membres des Nations unies. Ensemble, nous avons un rôle important à jouer dans la définition des priorités mondiales et dans la coopération internationale. L’UE a déjà dit qu’elle était en faveur de la modernisation du partenariat ACP-UE. Ce partenariat modernisé nous permettra de relever ensemble les défis mondiaux actuels.

Après trois ans passés à Maurice, quels sont les projets que vous avez eus à cœur en tant qu’ambassadrice, mais également en tant que femme ? 

J’ai vu beaucoup de projets qui m’ont beaucoup touchée et j’ai rencontré des acteurs de la société civile vraiment remarquables, qui s’engagent chaque jour pour une société plus juste. L’un de ces projets, c’est le Centre de formation agricole Frère Rémy, à Rodrigues, pour des jeunes filles et garçons âgés de 12 à 18 ans. En plus de former les jeunes pour qu’ils aient un métier ou créent leur propre entreprise, le centre est totalement écologique. Un autre projet qui est pour moi un exemple réussi de collaboration entre partenaires internationaux, secteur public et secteur privé, c’est le Programme national d’efficacité énergétique (PNEE). Les parties prenantes sont le ministère des Utilités publiques et Business Mauritius, l’Union européenne et l’Agence française de développement. L’engagement du secteur privé dans la lutte contre le changement climatique, la promotion d’une énergie durable et de l’économie verte est une nécessité si nous voulons atteindre les objectifs de développement durable.

De manière plus générale, il y a un domaine qui me tient particulièrement à cœur : c’est celui du droit des femmes et de l’égalité entre les hommes et les femmes. Peut-être parce que je suis une femme avec de hautes responsabilités, je suis sensible à cette question. Je pense qu’il est important de donner la chance aux filles et aux femmes de développer leur plein potentiel. Je pense que le fait de ne pas utiliser le potentiel que les filles et les femmes représentent pour notre société n’a pas de sens, ni au niveau social ni au niveau économique.

Une série d’activités sont organisées cette semaine pour marquer la semaine de l’Europe…

En cette Semaine de l’Europe (du 7 au 10 mai, Ndlr), nous avons organisé plusieurs activités qui reflètent le dynamisme et la diversité du partenariat UE-Maurice. Ces activités sont : 1) le dialogue sur le genre avec la ministre de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et de la Protection de la famille, pour faire progresser notre travail conjoint dans ce domaine important (7 mai); 2) le lancement, en collaboration avec l’Economic Development Board, de la plateforme électronique d’octroi pour les permis d’exploitation et les licences (10 mai); 3) le lancement avec le ministre de l’Environnement du projet de la Mauritius Tourism Authority sur le tourisme durable (10 mai); 4) une exposition intitulée “Maurice-Union européenne: une histoire partagée, un avenir commun”, qui est accessible au grand public du 10 au 17 mai au Plaza; et 5) une table ronde sur le patrimoine culturel et le développement économique (10 mai) au Plaza.

Pour cette dernière activité, je voudrais dire que Maurice est souvent citée en exemple pour sa richesse culturelle et l’harmonie sociale qui y règne. Nous croyons également au potentiel de la diversité culturelle et du patrimoine du pays en termes de développement durable. La réception du 9 mai au Plaza mercredi soir était un beau moment de partage avec tous nos partenaires du secteur public, du secteur privé, des missions diplomatiques et de la société civile. Pour l’occasion, le Plaza était illuminé en bleu et jaune, les couleurs de l’Union européenne. Cette performance a été réalisée par la compagnie Move for Art, qui a organisé pendant trois ans le festival Porlwi by Light.

Je suis fière du partenariat UE-Maurice, qui est encore à l’œuvre aujourd’hui. C’est ce partenariat que nous avons tenu à mettre en valeur durant la Semaine de l’Europe. C’est un partenariat que nous sommes déterminés à poursuivre. Nous n’avons pas choisi le titre de notre exposition par hasard; nous avons une histoire et nous avons un avenir commun que nous devons continuer à construire ensemble.

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