Reynolds MICHEL
Le mercredi des Cendres, les catholiques du monde entier ont commencé leur marche vers Pâques. Autrement dit, à préparer leur cœur à la fête de la résurrection de Jésus : « Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a ressuscité… Dieu l’a fait Seigneur et Christ » (Actes 2, 32-36). Et l’apôtre Paul d’ajouter : « Mais si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vide, vide aussi votre foi » (1 Corinthiens 15,14).
L’homme de Nazareth, nommé Jésus, que les disciples ont connu et suivi sur les routes de Palestine comme maître et ardent défenseur du royaume de Dieu et dont la vie s’est achevée tragiquement à Jérusalem, est désormais reconnu et confessé comme le Messie (Mashiah en hébreu et Christos en grec) annoncé par les prophètes et attendu par Israël. Le Jésus, fils de Marie, est désormais désigné et proclamé par ses disciples comme le Christ, « établi Fils de Dieu avec la puissance de l’Esprit Saint » (Romains 1,4). Nous sommes là devant une profession de foi, devant un appel à un “ je crois ” et non pas à un “ je sais ”.
C’est à la lumière de cette proclamation solennelle, que la vie de Jésus de Nazareth est dorénavant actualisée, que ses paroles et ses actes sont rendus présents. C’est dans le creuset de cette proclamation de foi que sont coulés les écrits évangéliques qui racontent sa vie, qui font jaillir le passé du Nazaréen dans le présent. Dit plus simplement, les épisodes de la vie du Nazaréen sont réinterprétés à la lumière de cette confession de foi pascale ‒ mort et résurrection. C’est dire qu’entre Jésus de Nazareth et nous se dressera toujours la foi des apôtres et des disciples qui nous ont légué les évangiles.
Si donc les évangiles (Marc, Matthieu, Luc et Jean), qui ont retenu de la vie de Jésus un certain nombre de récits et des paroles, sont des témoignages de foi, comment est-il alors possible de rejoindre le Jésus historique, devenu le Christ de la foi chrétienne ? Est-il possible de dire qui était Jésus en son temps et pour son temps ? Est-il possible de découvrir, sous le texte des Evangiles, au mot près, ce qui revient au prédicateur charismatique de Galilée, et ce qui est dû aux Communautés croyantes qui le proclament “Christ et Seigneur” ?
C’est tout l’objet de la quête du « Jésus de l’histoire » ; quête qui prend sa source dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et qui continue à mobiliser nombre de chercheurs de toutes confessions. L’histoire passionnante de cette quête n’est pas l’objet de ce texte.
Étant un personnage historique, la recherche historique de l’homme de Nazareth, sur ses faits et gestes, est parfaitement légitime. Pour les chrétiens, l’histoire de Jésus est du plus grand intérêt pour leur foi. Car sans Jésus historique, le christianisme, religion de l’incarnation, n’est qu’un mythe. « S’il n’est pas né, il n’est pas mort non plus ; et s’il n’est pas mort, il n’est pas non plus ressuscité des morts », disait déjà Irénée de Lyon au IIe siècle. Il est donc « essentiel pour la foi chrétienne qu’elle puisse se référer à des événements réellement historiques », parce que, si « nos écartons cette histoire, la foi chrétienne est abolie en tant que telle et refondue dans une autre forme de religion », dit à son tour Benoît XVI.
Allons plus loin. Les évangiles, rédigés entre les années 70 et 100 de notre ère, sont, on le sait, postérieurs aux plus anciennes confessions de foi pascale qui datent d’une vingtaine d’années à peine après la mort de Jésus (1 Corinthiens 15). Que nous proposent les évangélistes Marc, Matthieu, Luc et Jean ? Ils nous proposent quatre récits différents, mais qui tous partent de la personne historique de l’homme de Nazareth tel qu’il a vécu : ses faits et gestes, son message, sa pratique de vie et de mort. Pourquoi ? Parce que le “Jésus de l’histoire” met en relief l’essentiel de la foi chrétienne qui est de le suivre dans sa vie et sa pratique en s’ouvrant à la bonne nouvelle : « Après que Jean-Baptiste eût été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Evangile de Dieu et disait : le temps est accompli, le Royaume de Dieu s’est approché » (Marc 1, 14), il est « parmi vous » (Luc 17,21), il commence ici-bas. Mettez-vous au travail.
L’approche par le “Jésus de l’histoire” liée à l’annonce de l’irruption du royaume parmi nous
s’avère essentielle. Si nous prenons l’exemple d’une pièce de monnaie avec ses deux côtés : pile et face, c’est le côté pile. Le côté face est la proclamation de Jésus comme “Christ et Seigneur”. La pièce est une, aucun côté ne l’emporte sur l’autre. Les évangiles parlent de l’un et de l’autre dans un même mouvement.