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Osman Mohamed : les budgets présentés jusqu’ici n’ont pas apporté le miracle économique promis

À quelques jours de la présentation du budget 2018-2019, le député travailliste Osman Mohamed observe que depuis 2015 chaque budget a apporté son lot de sensations sans qu’on aperçoive le deuxième miracle économique promis lors des dernières générales. Osman Mohamed qui siège pour la première fois au Parlement évoque le changement de vie que représente le passage de l’exercice de sa profession au sein de la fonction publique à la vie politique. Il nous parle également de ses sujets de prédilection en tant qu’ingénieur civil. Après une dizaine d’années passées à Singapour où il a fait ses études supérieures avant de travailler pendant plusieurs années. A son retour au pays, il a été affecté au ministère des Infrastructures publiques, au ministère du Logement, à la NHDC avant de prendre la tête du MID après un bref passage au BOI.

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Osman Mohamed, vous avez interrompu une carrière professionnelle dans la fonction publique pour faire de la politique active. Qu’est-ce qui a pu vous attirer dans l’arène politique ?
Tout a commencé par l’offre du leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, en novembre 2014, de présenter ma candidature aux élections générales dans la circonscription No. 2. À cette époque, j’étais un fonctionnaire et je lui ai expliqué que cela constituait pour moi une contrainte. Il m’a répondu que si tout le monde en mesure de faire de la politique donnait la même réponse, on ne pourrait jamais changer l’arène politique. Je lui ai demandé un temps de réflexion parce qu’il fallait démissionner de la fonction publique. Je me souviens avoir soumis ma lettre de démission un vendredi et le même jour, j’ai pris pour la première fois la parole à Tranquebar sur une plateforme politique. Depuis je n’ai pas regardé en arrière et par la grâce de Dieu j’ai été élu. J’entame ma quatrième année de carrière politique alors que je n’avais jamais pensé être politicien auparavant.

Y a-t-il des membres de votre famille qui se sont engagés dans la vie politique auparavant ?
Personne dans ma famille n’a jamais fait de la politique ou mené une campagne politique. Je ne pense pas que mon père n’ait jamais assisté à un meeting politique. Il était un mécanicien chez Ireland Blyth où il a fait une longue carrière. Il se consacrait entièrement à sa carrière.

Comme directeur du MID Fund, vous avez côtoyé de près le monde politique…
Certainement. C’est par hasard que je suis arrivé à la tête du MID. J’étais un officiel du ministère des Infrastructures publiques en tant que “Project Manager”, “Civil Engineer” et à un certain moment, j’avais été “seconded for duty” au ministère du Logement. Je travaillais sur le projet de cadastre, LAVIM. Ce que je comprends, c’est que le projet avait été discuté à plusieurs reprises par le conseil des ministres qui l’avait rejeté à chaque fois. Il fallait un jour faire une présentation à un groupe de ministres pour expliquer le projet aux décideurs. Mon nom a été suggéré pour faire cette présentation. Ce que j’ai fait après une longue présentation. Je me souviens qu’après la présentation, le Dr Navin Ramgoolam, qui présidait ce comité ministériel, m’a confié qu’effectivement les ministres et lui n’étaient pas convaincus de ce projet. Toutefois ils ont changé d’avis après ma présentation et décidé que le gouvernement irait de l’avant. C’était en décembre 2006 et je rencontrai le chef du gouvernement pour la première fois. Avant de quitter la salle, Navin Ramgoolam m’a demandé mon âge. Je n’avais pas 40 ans. Il m’a demandé de venir travailler à son bureau parce qu’il avait besoin d’une personne pour le travail technique mais le ministre du Logement d’alors m’avait demandé de continuer à travailler sur ce projet. En 2009, j’ai pris un “leave without pay” dans la fonction publique pour aller travailler au Board of Investment sur les énergies renouvelables. Un beau jour, j’ai reçu un appel du PMO de la part de Navin Ramgoolam qui m’a proposé une fonction à son bureau. C’est ainsi que j’ai été chargé de travailler sur le projet de Maurice île durable qui englobait l’économie, l’environnement, le social, l’emploi et l’équité. Nous avons pris en considération les propositions de Joël de Rosnay avant de nous engager dans une large consultation qui a débouché sur un plan d’action qui a été approuvé par le conseil des ministres. Nous avons mis en œuvre le projet. Mais avec le changement de gouvernement, le MID Fund a été démantelé.

Nous supposons que c’était pour vous une expérience très intéressante ?
Tout à fait parce que c’était le projet de société qui nous permettait de concilier l’économie, le social et l’environnement. C’était un modèle. Entre 2009 et 2014, nous avons participé à plusieurs conférences internationales et avons présenté le projet à la conférence RIO+ 20. Nous l’avons présenté aux Nations unies en présence d’un “under secretary”. Ce projet était considéré comme un modèle surtout pour un petit Etat insulaire en développement. J’ai été à la conférence des SIDS à Samoa. C’était un bon projet dans sa gouvernance, dans sa conception. C’était un projet qui avait été ficelé en mode consultatif avec le support des bailleurs de fonds, notamment le PNUD, l’AFD et l’Union européenne. Il y avait une “action plan” qui prenait en considération une politique, une stratégie et des projets chiffrés à Rs 6,2 milliards dont Rs 5 miliaires consacrées à l’énergie renouvelable avec le financement du secteur privé. C’est dans ce contexte qu’ont vu le jour le projet d’éolienne de Plaine-des-Roches, celui de Plaine-Sophie en construction en ce moment et plusieurs autres projets concernant les photovoltaïques, les chauffe-eau solaires. Un bilan du projet, un “master plan” et un “progress report” ont été déposés au Parlement. Je peux affirmer que MID a travaillé et la majorité des projets étaient en voie d’application.

Vous voilà député, comment vivez-vous cette nouvelle expérience ?
Je dois dire qu’après la défaite du PTr aux élections, nous étions un peu secoués. Nous sommes entrés au Parlement sans vraiment réaliser le changement, et pour ma part ce qui intervenait dans ma vie. De plus, j’ai dû remplacer de très grosses pointures dont Rashid Beebeejaun, ancien DPM, dans ma circonscription. Les mandants voulaient que les choses continuent comme avant. Petit à petit, j’ai assumé le rôle de député. Par la grâce de Dieu, je dois dire que les gens ont été coopératifs et j’ai commencé une nouvelle façon de vivre. Pour vous donner un exemple : en plein mois du Ramadan, une mère m’a appelé hier soir pour me dire que son fils était décédé à la suite d’un accident et qu’après des heures d’attente à l’hôpital, elle n’avait pas eu temps de voir son visage. Je suis descendu, la police m’a fait comprendre que c’était difficile de le faire pour le moment en raison de l’état dans lequel se trouvait le corps. Heureusement, qu’elle a pu voir au milieu de la nuit le corps de son fils ! Tout cela pour vous dire que la vie d’un député n’a rien à voir avec celle d’un fonctionnaire.

Vous avez découvert également l’Assemblée nationale ?
La vie de politicien est une université en elle-même. Vous avez l’occasion de rencontrer des personnes venant de “all walk of life”. Ma circonscription comprend, entre autres, Vallée-Pitot, Tranquebar et le Ward 4, trois différents “mind set”. Au Parlement, il y avait tout un rouage à apprendre, toute une façon d’opérer. Ici, nous travaillons pour le peuple et avons l’occasion d’interpeller le gouvernement sur des questions d’intérêt national pour le bien du pays. Lorsqu’un gouvernement travaille, il n’est pas en mesure de voir les choses et ses répercussions dans les détails. Nous sommes là pour soulever des questions qui affectent directement les citoyens afin d’améliorer la situation. Nous avons l’occasion de soulever des problèmes touchant la circonscription à l’“ajournment time”.

Quels sont les sujets qui vous ont le plus intéressé depuis votre arrivée au Parlement ?
Je me suis intéressé à plusieurs secteurs. Je me souviens que lors d’une PNQ du leader de l’opposition d’alors, Paul Bérenger, alors qu’il faisait pression en faveur d’une baisse des tarifs d’électricité et faisait face à une forte résistance du ministre de tutelle, le DPM Ivan Collendavelloo, j’ai posé une question supplémentaire pour faire un plaidoyer pour dire au ministre qu’il était possible de baisser les tarifs d’électricité pour une partie de la population la plus pauvre. Le DPM n’a dit que c’était une bonne proposition et je dois dire qu’il a fait le suivi et a baissé le tarif d’électricité par 30% pour 70 000. C’était une grande satisfaction pour moi d’autant que je connais le nombre de personnes qui viennent nous voir chaque mois nous nous dire qu’elles ne peuvent payer leurs factures et risquent de voir une coupure de la fourniture d’électricité chez eux. J’ai, par la suite, eu l’occasion d’interpeller le gouvernement sur les infrastructures publiques dans lesquelles j’ai une longue expérience, sur la politique énergétique. Mon interpellation sur la dette nationale cette année est devenue une PNQ du leader de l’Opposition, Xavier Duval. Ce qui nous a permis de découvrir beaucoup de choses. Par exemple, la dette du pays a atteint un niveau record, soit autour de Rs 377 milliards, et nous sommes dans le rouge pour avoir dépassé la limite de 60% de notre PIB.

Cette question est-elle encore d’actualité à la veille du budget ?
Effectivement, parce que cela réduit la marge de manœuvre du ministre des Finances. Nous avons aussi découvert que certains prêts dont celui obtenu de l’Inde d’un montant de 500 millions de dollars ne sont pas inclus dans le montant officiel de la dette publique nationale. J’ai eu également l’occasion d’interpeller le gouvernement sur son projet de “Safe city” qui concerne un prêt d’un montant considérable qui ne fait pas partie de la dette nationale. Parce que cet emprunt de Mauritius Telecom est garanti par le gouvernement. Il semble que sur 20 ans ce projet pourrait coûter Rs 15 milliards et même au-delà.

Le dossier de l’eau vous intéresse beaucoup. On vous a entendu parler récemment de Bagatelle…
L’eau de Bagatelle avait l’objet d’une interpellation d’Alan Ganoo. Je me suis senti interpellé par ce problème tenant en compte la manière dont se déroulaient les échanges avec le ministre concerné. Je suis intervenu pour souligner que c’était une question qui concerne la santé publique. J’ai fait la remarque qu’il rencontrait le directeur de la CWA chaque semaine et que par conséquent, il ne pouvait pas dire qu’il ne savait pas que l’eau de Bagatelle était utilisée pour desservir une partie du pays. Je lui ai dit qu’il devait être affirmatif et ne pas attendre une nouvelle question. Je me souviens qu’il n’avait répondu que « it is not what you believe which is important but what the standings orders say ». A quoi Paul Bérenger avait lancé : « Shame on you ». On sait ce que représente le risque de consommer l’eau non traitée. Avant d’arriver dans un réservoir, l’eau traverse par les champs de canne, les champs de chou chou, etc et a pu entrer en contact avec les insecticides ou autres produits toxiques, etc. On ne peut l’utiliser n’importe comment. Le problème est que le Bagatelle Dam ne dispose pas d’un ”treatment plant”. Je m’intéresse également à l’agriculture, aux finances, aux coopératives, à l’éducation que j’ai pu toucher à travers les interpellations. Plus vous posez des questions, plus vous apprenez sur les affaires du pays.

Je peux dire que mon expérience de fonctionnaire, mon passage à la NHDC et au MID m’ont beaucoup aidé et m’ont permis de bien comprendre les rouages des ministères et d’aider un plus grand nombre de personnes.

Vous êtes le seul parlementaire de l’opposition à siéger dans MARENA, une instance du ministère de l’Énergie…
D’après la loi, la speaker doit nommer deux parlementaires pour siéger sur le “board” de MARENA et le gouvernement actuel a considéré que j’avais les compétences pour sièger sur ce “board”. Je suppose que leur choix s’inspire du travail que j’ai fait au niveau du MID. Cette organisation a débuté de zéro. Elle grandit maintenant. Un directeur exécutif a été recruté. Un plan d’action est en préparation pour le déploiement de l’énergie renouvelable. Je dois dire qu’auparavant, hormis la bagasse, il n’y avait pas grand-chose comme énergie renouvelable. Grâce à MID, l’utilisation des chauffe-eau solaires et des panneaux voltaïques, les fermes éoliennes, etc. ont connu une extension. MARENA qui avait fait l’objet d’une législation en 2015 porte les énergies renouvelables à un autre niveau. Ce sera le salut pour un pays comme Maurice car nous ne pourrons plus dépendre du charbon et l’énergie fossile. Notre pays est vulnérable. Notre facture énergétique est estimée à un peu plus de 20% de nos importations. L’objectif est de produire 35% de nos besoins énergétiques à travers les énergies renouvelables. Je pense que cela est à notre portée.

On a évoqué récemment la possibilité de produire du gaz à partir des algues ?
Il y a plusieurs façons d’utiliser le bouquet énergétique afin de porter la production à 35% de nos besoins. Cependant il nous faut travailler sur le stockage énergétique. L’énergie renouvelable est aléatoire et notre réseau ne peut accepter l’intermittence. Si nous disposons de la capacité de stockage, nous pourrions dépasser les 35% de production. Il y a plusieurs façons de produire de l’énergie mais il nous faudra travailler sur la stabilité de la fourniture électrique. La technologie et le coût sont en pleine évolution. La technologie devient de plus en plus avancée et le coût est en baisse. C’est vrai que les algues constituent une source énergétique car elles poussent très vite mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour qu’on puisse les utiliser sur une base commerciale. C’est également le cas pour l’énergie des océans. Il y a quatre ou cinq technologies qui sont à l’étude à travers le monde. Il faut qu’elles soient plus compétitives par rapport à l’énergie fossile et au charbon.

Dans le cadre du MID, nous avions créé un MID Levy. Un prélèvement a été effectué sur chaque kg de charbon qui entre dans le pays et sur chaque litre d’essence et de diesel qui entre dans le pays. L’argent recueilli était utilisé pour subvention le “green sector”. Ainsi, cet argent avait été utilisé pour subventionner le projet de Plaine-des-Roches.

Que pensez-vous des débats sur la privatisation de la CWA ?
Il y a un grand débat à ce sujet. J’ai d’ailleurs envoyé quatre interpellations sur ce sujet et j’ai l’intention de parler au ministre pour savoir exactement où il veut en venir. À ce jour, le projet n’est pas clair et la grande question est de savoir qu’elle est la valeur ajoutée que le partenaire privé peut apporter. La CWA a été là depuis longtemps. Elle dispose d’une connaissance à ne pas négliger. Il faut une administration qui peut tirer le meilleur de l’expérience acquise. Tout ce que nous savons c’est que c’est la CWA qui doit effectuer les investissements. Pourquoi payer une somme importante pour gérer la CWA ? Dans beaucoup de cas où il y a eu privatisation des eaux, le gouvernement a fait marche arrière. Cela s’est passé en France. Si nous ne rédigeons pas un bon contrat, il nous sera difficile de casser le contrat si le partenaire ne donne pas de résultats. Quand au contrat d’affermage, je pense que c’est la Banque mondiale qui fait une pression dans ce sens.

A quelques jours de la présentation du budget, quel est votre sentiment?
Le gouvernement avait été élu sur la base qu’il accomplirait un deuxième miracle économique. Or chaque budget a apporté son lot de sensation sans qu’on voie le miracle économique. C’est le contraire qu’on a vu. À ce jour, c’est le secteur public qui recrute le plus. Tenant en compte que le niveau de la dette a dépassé les limites, je souhaite que les projets qui seront annoncés dans le prochain budget apporteront le développement et seront réalisables. Dans le passé, beaucoup de projets ont été des simples effets d’annonce. Le projet Safe City n’apportera pas de développement, il apportera la sécurité. Est-ce qu’il y a eu une étude de faisabilité à ce sujet ? Nous allons nous engager dans un prêt de plusieurs milliards de roupies alors que nous sommes déjà engorgés par la dette. Je pense qu’il sera important de revoir la politique au niveau du transport. Nous perdons trop de temps sur les routes. Il y a beaucoup de choses à faire au niveau de la santé, en particulier pour les cancéreux.

Quelle est la situation au niveau du Parti travailliste ?
La situation est actuellement positive. Nous avons un gouvernement qui est totalement déphasé par rapport à ce qu’il avait promis et la population est déçue. Nous sommes témoins des nominations politiques scandaleuses alors que des protégés du pouvoir obtiennent des contrats juteux. Face à tout cela, la victoire d’Arvin Boolell a créé un “feel good factor” pour le PTr. Je suis confiant que le prochain gouvernement sera celui du PTr.

Vous êtes un enfant de l’indépendance puisque vous êtes né peu après l’indépendance. Comment le 50 anniversaire de l’indépendance vous interpelle ?
Muhammad Ali avait dit ceci : « Un homme qui voit le monde à 50 ans de la même façon qu’à 30 ans a gaspillé 20 ans de son existence. » Je pense qu’il y a encore un grand travail à faire au niveau du “nation building”.

Nous avons célébré cette semaine la Journée de l’environnement. Que doit-on faire à ce sujet ?
Notre environnement est un “asset” que nous prenons bien souvent pour acquis. Il y a beaucoup de travail qui se fait. De « Maurice île Durable » à « Maurice île poubelle », c’est le titre de l’article d’Alexandre Laridon qu’on a pu lire il y a quelques jours, dans le forum du Mauricien, dans le cadre de la Journée mondiale de l’Environnement 2018. Il faut tout faire pour que Maurice ne devienne une poubelle.

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