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Sudeshj Lallchand : « Une plus grande marge de manoeuvre pour le cabotage avec le Black Rhino »

Les comptes audités de la Mauritius Shipping Corporation Ltd (MSCL) pour l’année 2018 révèlent des profits de Rs 175 millions, contre Rs 124 millions en 2017. Ces résultats représentent, selon le président du conseil d’administration de la compagnie, Sudesh Lallchand, « une restructuration complète » de l’organisation, qui enregistrait des pertes, totalisant Rs 266 millions, de 2009 à 2013. Renouant avec des profits en 2015, MSCL achètera son navire d’un coût total de Rs 800 millions. De plus, le MV Anna quittera bientôt Maurice et sera remplacé par le navire Black Rhino, de Chypre, d’ici fin janvier.

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Quel bilan de MSCL peut-on dresser pour l’année 2018 ?

Nos résultats sont plus que satisfaisants. Je me souviens que, lorsque j’avais pris la barre, l’ancien ministre des Finances de l’époque, Vishnu Lutchmeenaraidoo, m’avait exprimé ses sympathies. Étant donné que j’ai travaillé dans la restructuration durant cinq ans dans un conglomérat, je l’ai pris comme un défi. Grâce à une équipe soudée, le conseil d’administration a travaillé très dur et nous n’avons pas pris de consultant pour ce travail. Nous n’avons rien dépensé pour cet exercice.

Quelle a été la complexité de cet exercice de restructuration au cours duquel plusieurs personnes ont été mises à la porte ?

Cet exercice a été très complexe car il y a le facteur humain à considérer et des analyses à faire. Construire une nouvelle maison à zéro est plus facile que d’en rénover une. On ne peut tout écraser sinon on mettra tout le monde dehors. On a dû revoir les compétences qui sont nécessaires, les différentes positions à remplir, la culture à adopter, les modes de récompense et voir comment chaque département peut être réaménagé et restructuré tout en gardant une balance pour qu’il n’y ait pas de choc brutal. Le système de contrôle et de discipline, qui est très important, a été revu. Une restructuration prend du temps et nous prévoyons que, d’ici un an, elle sera totale et complétée. Nous avons dû mettre à la porte 11 personnes. Mais nous avons renforcé notre équipe avec des personnes hautement qualifiées et professionnelles.

Avez-vous pu empêcher la politique de s’infiltrer dans les affaires de la MSCL ?

C’est très difficile car c’est la culture de Maurice. Rendre les institutions apolitiques pour ce gouvernement ou pour quelconque gouvernement est difficile. Nous avons une culture selon laquelle une personne croit qu’il faut un “backing” politique pour décrocher l’emploi pour lequel elle a postulé. C’est une mentalité qui doit disparaître. Les recrutements doivent être publics. Ce sont ceux qui ajoutent de la valeur à l’entreprise qui doivent être recrutés. Nous devons accepter la candidature des personnes qui comprennent le domaine où elles sont recrutées. Nous devons savoir faire des choix. La définition du développement, c’est de réaliser quelque chose de nouveau. On ne peut venir s’asseoir uniquement pour signer des chèques. Chaque personne doit pouvoir assumer ses responsabilités. Ce n’est pas uniquement ceux qui sont à la tête qui sont responsables.

Qu’en est-il du recrutement du directeur général ?

Nous avons mis une annonce publique et nous espérons que, d’ici février ou mars, nous aurons un directeur général à plein-temps. En ce moment, nous en avons un qui assure l’intérim. Nous ne pouvons continuer ainsi. Le recrutement se fera de manière transparente et en toute équité. Le processus est déjà en place et le “deadline” pour postuler est fin janvier. Pendant un mois, les entretiens se feront par un panel indépendant. Nous ne ferons pas de préférence sur le candidat mais nous cherchons quelqu’un qui est dévoué à son travail, un professionnel, et qui peut ajouter de la valeur et développer l’organisation. Il doit avoir des qualités pour diriger une équipe. La personne doit aussi répondre aux défis et faire que la MSCL continue son développement et cherche de nouveaux secteurs de revenus. Nous avons aussi recruté un auditeur interne qui a un rôle très important à jouer.

Selon les chiffres, la MSCL engrange des profits depuis les quatre dernières années. Toutefois, nous ne voyons presque rien sur le front de l’économie bleue alors qu’on en parle souvent. Quelles sont les raisons ?

La MSCL fait partie du développement de l’économie bleue et je crois que la compagnie a considérablement contribué à cela. En premier lieu, nous sommes une agence de bateaux. Le secrétaire permanent du ministère de l’Économie bleue et moi, en tant que président, sommes allés en Allemagne, où nous avons rencontré le responsable de Costa Cruises il y a trois ans. À cette époque, la compagnie Costa Cruises ne desservait Maurice que trois ou quatre ans par an. Nous avons discuté de plusieurs choses, dont le recrutement des Mauriciens sur les paquebots de croisières. Costa Cruises vient à Maurice 14 fois par an et, dans un proche avenir, il viendra entre 18 et 22 fois par an. C’est-à-dire, à chaque fois qu’un paquebot de Costa est à Maurice, différentes activités fonctionnent. La MCSL y joue son rôle. À travers le MV Anna et le bateau Black Rhino, qui sera bientôt sur nos eaux, nous stabiliserons les voyages à Rodrigues. Nous avons maintenant la garantie que les bateaux iront à temps. Il ne faut pas oublier que Rodrigues et Agalega ont besoin de carburant pour l’électricité et les véhicules.

Il semble que la quantité de carburant que peut transporter MV Anna est peu, considérant le nombre de véhicules à Rodrigues. Avez-vous pris cet aspect en considération lorsque Black Rhino a été choisi ?

Le nouveau navire Black Rhino a pris en considération le volume de carburant qu’il faut transporter à Rodrigues et à Agalega. Il faut savoir que Black Rhino peut transporter trois fois plus de carburant que le bateau actuel. On pourra ainsi mieux desservir ces deux îles. Black Rhino, qui nous vient de Chypre et qui a été construit en Allemagne, a dix ans mais son moteur n’a qu’un an. On le loue à moins cher que MV Anna. On loue Black Rhino jusqu’à ce qu’on ait notre nouveau navire. Nous avons un contrat de deux ans et demi et espérons obtenir notre navire d’ici juillet 2021.

Pourrions-nous exploiter toutes les opportunités dans notre Zone économique exclusive avec trois navires ?

Nous avons un accord de gouvernement à gouvernement, soit entre Maurice et l’Inde, concernant le développement d’Agalega. La construction d’une piste d’atterrissage et d’un nouveau quai a déjà été entamée. Aujourd’hui, lorsqu’un bateau se rend à Agalega, il est très difficile d’accoster car les eaux ne sont pas profondes. Il faut s’arrêter à au moins 500 m du quai et monter à bord des chalands pour aller sur l’île. C’est très dangereux car les houles sont très fortes. Le nouveau quai, construit par le gouvernement indien, permettra à nos bateaux d’y accoster. C’est un projet de deux ans. Ce sont des Indiens qui le font. Tous les équipements et toutes leurs provisions seront issus de Maurice. Les travailleurs indiens y voyageront aussi. Nous avons un accord avec Afcons pour deux ans, durant lesquels Mauritius Trochetia devra se rendre à Agalega à plusieurs reprises à ce sujet, au moins deux voyages par mois. En sus de cela, nous devons aussi répondre aux besoins du peuple agaléen. Nous avons pris tous ses aspects en considération et Black Rhino nous permettra de le faire. En ce moment, Mauritius Trochetia se rend à deux reprises à Rodrigues pour le carburant car la quantité, que peut transporter le navire, est limitée. Avec Black Rhino, un seul voyage suffit. Nous allons apporter plus de conteneurs à Rodrigues et à Agalega en moins de voyages. Ceci nous permettra de libérer des bateaux pour explorer d’autres marchés régionaux.

Quels sont les marchés régionaux ciblés ?

Nous avons en tête La Réunion et Madagascar. Avec la nouvelle direction dans le marché du textile, plusieurs entreprises se tournent vers Madagascar. Et lorsque ce pays produit, il doit exporter. Donc, Madagascar représente un marché. Nous pensons à nous tourner vers La Réunion, Madagascar, l’Afrique du Sud et de l’Est. Le transport maritime entre l’Afrique du Sud et Maurice est important car une bonne partie de nos produits proviennent de l’Afrique du Sud. Les coûts de gros bateaux, qui viennent de Chine pour aller vers l’Afrique du Sud ou l’Europe, sont élevés et ces bateaux préfèrent laisser à Maurice les marchandises, qui sont exportées vers ces destinations. La MSCL se positionne pour pénétrer dans ce marché de transbordement. Nous travaillerons de concert avec des compagnies maritimes connues pour cette activité. Nous sommes d’ailleurs en discussion avec plusieurs entreprises en Afrique du Sud qui font ce trajet. À travers plus d’activités, nous pourrions peut-être augmenter notre nombre de bateaux.

Qu’en est-il du bateau qui sera acheté par la MSCL au coût de Rs 800 millions ?

C’est un bateau que nous achèterons sans demander une roupie au gouvernement. Je ne crois pas que ceci a été fait dans le passé.

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