Aken WONG
Mon parrain, dans le sens non religieux du possible ou son filleul : cela peut-il en être ainsi ? Si on le prend uniquement sur ce plan, c’est vrai qu’il ne m’a pas tenu sur les fonts du « baptême », mais le sens latin de filleul me conviendrait mieux : filiolus ou filius c.a.d fils. Ma démarche s’annonce donc davantage politique plutôt que sur l’art ou la religion. Belle prétention de ma part, mais combien fier d’avoir été dans l’intimité de ce grand Mauricien qui mérite une place plus conséquente dans l’histoire de notre pays. J’étais un jeune militant du Club des étudiants militants quand en 1969, je croise cet encore « fonctionnaire » de l’État Ramgoolam père. Régis Chaperon, ex-président du Parti Travailliste, m’était familier déjà de par les garçons avec lesquels nous jouions au football les vendredis.
À une autre occasion, j’avais aussi tapé dans l’œil de Marcel Cabon quand je lui ai servi (comme komi laboutik). Il m’avait dédicacé « Namasté » dans son bureau d’Advance mais le livre fut saisi par des éléments de la CID venus perquisitionner mon chez-moi. Bizarre que déjà, à cette époque, je n’avais jamais eu d’attirance vers les personnes de droite qui sévissaient sous la houlette d’un certain Gaëtan Duval. La première sortie publique de « RV » pour contester le schéma néocolonialiste, que prenait notre île, était contre la venue de Hastings Kamuzu Banda, alors président du Malawi, à Maurice. RV ira plus loin pour que je l’admire. Il m’avait pris d’affection, comme son épouse et sa famille. Cela sera un grand moment d’émancipation pour que mon chemin puisse enfin prendre cette dimension claire dans la revendication et la contestation, comme renier mon prénom chrétien et choisir d’être dénommé aken tout court. Adopté, alors que le personnage aurait pu me négliger. Comment ne pas se dire : « sa wi » quand ce bonhomme pourchassera les “taper” de Duval alors que j’en avais un peu peur pour être honnête (comme beaucoup d’autres).
Depuis, il y en a qui ont oublié, ou du moins qui ne sont pas suffisamment reconnaissants, de ce « parrain » dénomination spontanée venue du fond du cœur des « militan koltar »; et cela, même Malcolm de Chazal n’y aurait pas eu droit. Il a été entre autres parmi les premiers à rédiger les Statuts du Parti nouvellement créé, le MMM. Nos routes se sépareront, moi quittant le pays avec précipitation après la période dure de répression de la coalition Ramgoolam/Duval. RV, dit le parrain, a dû avoir très mal quand il fut contraint lui aussi de quitter le pays.
Nous allons nous retrouver de plus belle à la rue des Amandiers autour d’autres thèmes avec quelques gorgées de rhum. Lui, se battant pour « vivre » de sa peinture; moi, étudiant puis partant pour un séjour de deux ans en République populaire de Chine (1979 à 1981), période post-Mao. À cette époque, mes amis chinois (collègues et étudiants) avaient encore peur de leur propre ombre, de peur que celle-ci n’aille les dénoncer de m’avoir rencontré et de rapporter nos échanges à leur unité de travail puisque chacun était rattaché à leur « dan wei » et de se voir, par la suite, convoquer par la cellule du Parti. On disait encore pour la « Dictature du Prolétariat ». Et c’est à partir de là que je vais apporter certaines expériences vécues à mon « parrain » : une certaine connaissance (restreinte, pour rester humble) sur le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme, le Parti Communiste et … Jou Pou Tuan, la Chair comme tapis de prière (sur le savoir sexuel des chinois, publié en 1640) que je lui ai offert, entre autres chinoiseries.
Il n’est pas mort (comme le dit Patrice Canabady dans son documentaire sur YouTube) et notre pays (surtout notre combat contre le communalisme) se doit de le garder vivant. Pour dire « Vive … » en chinois, on dit dix mille années… Et parfois, on exagère d’une manière propagandiste dix, dix mille (« wan wan sui »). Hervé Masson pouvait aussi parler du Bhagavat Gita comme pas beaucoup. Parrain, wan sui !