« Tant qu’un seul enfant naît dépourvu de ce qui lui revient légitimement en tant qu’être vivant, il y a usurpation car les biens venus de la terre, qui sont encore abondants, sont dédiés à tous les êtres vivants qu’elle héberge et non à ceux qui, par le pouvoir politique, la loi du marché, les finances ou les armes, s’en attribuent la légitimité » – Pierre Rabhi (Vers la sobriété heureuse)
Pointe-aux-Sables est définitivement le vilain petit canard de notre développement. Des usines peuvent s’y installer et polluer en toute quiétude, des fonderies n’ont pas besoin de permis pour y opérer, ses députés n’ont pas de comptes à rendre à ses habitants. Ses enfants n’ont pas droit à un air sain qui est pourtant un de ces biens venus de la terre. Leur vie ne vaudrait apparemment pas chipette. Les fumées toxiques, les cendres, la poussière, les odeurs fétides, ils en bouffent en veux-tu en voilà depuis des années. Les enfants d’Albion et de Petite-Rivière viendront bientôt s’ajouter au nombre. Parce qu’aux yeux de nos décideurs, cette région de l’ouest ne recèlerait que du menu fretin, donc LE lieu de prédilection pour y concentrer toute la pollution du pays. D’ailleurs, concernant l’installation d’un “petroleum hub” à Albion, n’avons-nous pas entendu le ministre du Commerce déclarer avec une désinvolture effarante « pena swa » ? Pena swa ! Par-là, pourrions-nous comprendre, « si to pa kontan, gete ki to pou fer ». La manne financière que générerait ce projet sordide l’emporterait donc sur la santé de nos enfants. J’espère, monsieur le ministre, que vous demanderez aux bénéficiaires, privés ou publics, du projet d’écrire leur profit en lettres rouges sur leur « balance sheet ». Ils se souviendront alors que le sang versé par nos enfants aura contribué à leur frénésie du tout profit.
Dans les pays civilisés, des projets susceptibles de chambouler le quotidien des habitants sont généralement conduits en concertation avec ces derniers. Ils sont informés de toutes les retombées possibles, de l’avis des experts sollicités et de leurs capacités, des garanties sur leur santé et leur environnement. Ils ont la possibilité d’exprimer leurs craintes et de participer à la recherche de solutions alternatives. À Maurice non. Ici, le pouvoir donne la berlue : « Government is government, government decides. »
L’arrogance dans toute sa scélératesse ! Messieurs les ministres et députés, nous n’attendons pas de vous, même dans nos rêves les plus fous, d’être des Luther King, Gandhi ou, plus près de nous, des Mandela ou Kalam: ce sont là des miracles que la providence n’accorde au monde qu’avec pingrerie. Nous vous demandons simplement un peu de respect. Un peu de respect pour cette population que vous êtes censés servir. Un peu de respect pour vos salaires grassement payés des deniers publics. Comprenez une fois pour toutes que nous sommes vos employeurs, et pas vos sujets. Ce pays à la tête duquel nous vous avons placés est la terre de nos enfants. Nous ne vous avons pas donné carte blanche pour le travestir au gré de vos lubies. Vous avez des comptes à nous rendre. Vous avez le devoir d’être à notre écoute.
Un mot pour les élus de ces régions concernées. Nous comprenons mal que vos salaires mirobolants et autres privilèges puissent autant vous enfler les chevilles et vous donner le melon, au point d’oublier qu’il est de votre devoir d’être à côté de vos mandants pour crier avec eux leur angoisse. Les élections de 2014 nous ont prouvé une fois de plus que ce ne sont pas les gros sous et les tonitruantes déclarations tout torse bombé qui commandent les votes. La caisse de savon a d’ailleurs été reléguée au rang de folklore par les réseaux sociaux. Le vrai pouvoir restera toujours entre les mains de celui qui, dans la discrétion de l’isoloir, exprimera son exaspération et fera son choix. Entre-temps, le Kolektif Ekolozik d’Albion me pardonnera j’espère l’“unsollicited use” de son… TIC…TAC…TIC…TAC…TIC…TAC.