Le dernier cas en date de ce qu’on peut évoquer comme un énième épisode de “road rage” a franchi un nouveau palier. Cette fois, il y a eu mort d’homme. Nous faisons évidemment référence au drame survenu à Pailles il y a quelques jours et qui a vu le décès de Raffick Mamode Mauntah, un père de famille de 62 ans.
L’homme, selon des témoins, aurait été agressé verbalement et physiquement avant de s’écrouler sous les yeux de sa fille qui, impuissante, n’a pu que regarder mourir son père. Un calvaire terrible, atroce, triste et indicible pour n’importe qui. Et que l’on ne souhaite certainement à personne !
Raffick Mamode Mauntah est donc une victime collatérale d’un accident où sont impliqués sa fille, qui conduisait une voiture, et un autre homme, qui se trouvait à moto et qui a été percuté par l’automobiliste. Cet homme est le père de l’agresseur de Raffick Mauntah. L’incident aurait probablement pu être réglé à l’amiable, on l’imagine. Et ce qui rend l’affaire encore plus regrettable, c’est la colère et les violences qui se sont illustrées ce jour-là.
En venir aux poings semble désormais l’issue de secours privilégié des uns et des autres. Que ce soit à l’école, à la gare, dans la rue, à la maison, partout, finalement, les coups pleuvent au quart de tour. Tantôt ce sont des ados, des gosses dans des cours de récré, tantôt des adultes trop énervés pour prendre le temps d’écouter et de discuter.
La violence n’engendre que… la violence. Elle ne résout rien. Au contraire, elle complique tout. Mais cette violence sourde et latente qui gît chez de plus en plus de compatriotes, jeunes et moins jeunes, et même des enfants donc, n’augure rien de bon. Pas pour un pays qui souhaite s’inscrire dans une logique de modernité et de développement durable.
Si nos décideurs, menés par le Premier ministre, qui a marqué un doublé en début de cette semaine – jugement du Privy Council positif dans l’affaire MedPoint et avis consultatif favorable sur les Chagos – veut que « son » île Maurice, à l’ère du “Metro Express”, défende une image honorable et devienne une référence sur la carte Afrique, voire du monde, ils devraient commencer par soigner le peuple. Cela fait trop longtemps maintenant que de plus en plus de Mauriciens refoulent leurs sentiments, rongent leurs freins, enterrent leurs pressions, soit à coup de larges rasades d’alcool, soit par le biais de coups qu’encaissent femmes et enfants, quand ce ne sont pas d’autres victimes. Trop, c’est trop ! Notre société s’enferme trop dans des vides sans dialogue, sans écoute, sans partage. Et le résultat, c’est cette extrême violence qui réside à fleur de peau et qui se déclenche à la faveur de la plus petite étincelle.
Nous en sommes là parce que depuis les années 80, quand le pays est entré de plain-pied dans l’ère industrielle, rien, ou presque, n’a été fait pour encadrer, accompagner et soutenir notre société parallèlement avec l’évolution qui, pour passer son chemin, a causé des dégâts énormes sur le tissu social : moins de temps à passer avec les siens, plus de pressions de toutes sortes et des agressions sociales et professionnelles quasi-permanentes. Et toujours, l’épée de Damoclès brandie au-dessus de nos têtes : produire encore et toujours plus. Et que fait-on pour la qualité de la vie entre-temps ?
L’euphorie de ce début de semaine assimilée, l’on souhaite bien évidemment que Pravind Jugnauth ne se donne pas comme unique objectif de ratisser large que pour les besoins des mathématiques électorales. Le pays n’est pas qu’un immense chantier physique à ciel ouvert. Il est aussi en pleine phase de construction morale et psychologique. Nous marquons cette année les 20 ans des émeutes de février 1999. Il y a des traumatismes à caractère social, par exemple, qui demandent à être traités et en urgence.
Et ce ne sera pas par la répression que viendra la solution. Encore une fois, réprimer ne fera que nourrir une plus grande et sournoise colère. Qui, quand elle explosera, fera des victimes innocentes, hélas ! Si tant est qu’en face d’un MSM/ML requinqué par les deux jugements internationaux importants de ce début de semaine, l’opposition fait pâle figure et semble plus que jamais dissolue, il est plus que grand temps pour un sursaut humain. Pour que l’on revoie, une fois pour toutes, les fondements de notre société précaire, soumise à trop de secousses et de brutales agressions…