À la recherche d’un autre demain, John Oliver Fanfan a fondé Island Bio. Une entreprise œuvrant en faveur de l’environnement et du social à travers la mise sur pied de jardins issus de la permaculture et gérés par des bénéficiaires en marge de la société. Le projet passe à une étape supérieure en s’étendant très prochainement vers le milieu carcéral. Le jeune homme de 27 ans, qui a dû composer avec plusieurs réalités et épreuves, nous invite à découvrir et à mieux comprendre ce qui le motive.
Avec un père mécanicien et une mère au foyer, ce jeune entrepreneur est né dans une famille aimante et ouverte. Il est issu d’une fratrie de quatre enfants, deux sœurs et un frère jumeau. La perte de sa mère, emportée par un cancer il y a trois ans et demi, a été l’événement tragique de sa vie. “Très jeune, elle nous a inculqué des valeurs très fortes et favorisé notre esprit d’indépendance et d’ouverture sur le monde.”
Favoriser l’entreprenariat.
Il entretenait une belle et grande complicité avec cette dernière, qui lui a tout appris. “En y réfléchissant, plusieurs routes que j’ai empruntées dans ma vie ont été motivées par un besoin de la rendre fière et de mieux entrer dans son monde.” Sa perte le conduit à réfléchir à d’autres avenues. “Maurice est l’un des pays les plus affectés par le cancer. Chaque Mauricien consomme de manière involontaire deux kilos de pesticides par an, et beaucoup plus chez les femmes.” C’est l’une des raisons qui a motivé le jeune homme à mettre sur pied Island Bio, dans le but de rendre plus accessibles des légumes bios.
John Oliver Fanfan s’est aussi interrogé sur les causes de la souffrance de l’homme dans la société et a essayé d’apporter sa pierre à l’édifice du changement. En 2016, la fondation des jardins communautaires d’Island Bio avait une vision environnementale, mais aussi sociale. “Le but est d’accorder une certaine autonomie financière et favoriser le sens de l’entreprenariat auprès de bénéficiaires qui sont touchés par une certaine précarité ou qui sont en marge de la société, ayant été cassés par le système”.
Réhabilitation.
Après la mise sur pied d’un premier jardin de permaculture à Baie du Tombeau, d’autres projets pilotes ont été mis en place dans d’autres régions de l’île, à Cité La Cure, Dubreuil et Chamarel.
Cette année, le projet passe à une étape supérieure, en visant cinq prisons de l’île. Le but est de mettre sur pied des jardins communautaires inspirés de la permaculture et d’encadrer les détenus pendant et après leur incarcération. L’équipe d’Island Bio compte également assurer un suivi à leur sortie pour une meilleure réhabilitation. “L’idée était de rendre justice à ces personnes en les reconnectant à leur vraie nature.”
Les détenus sont “cassés par le système carcéral. La conception que nous avons est que ce système doit être punitif. La société a toujours une approche vengeresse envers ceux qui ont fauté une fois qu’ils sont hors des quatre murs. Le but réel d’une vraie réhabilitation est de faire réaliser à cette personne qu’elle a commis des erreurs mais qu’il y a des moyens plus valorisants pour évoluer”. L’équipe d’Island Bio attend le feu vert des autorités pour l’implémentation du projet, qui devrait concerner dans un premier temps 150 détenus. Ils seront exposés à plusieurs modules de permaculture mais aussi à d’autres programmes de développement personnels.
Connexion avec la nature.
John Oliver Fanfan est étroitement connecté à la nature, qui représente pour lui une source de richesse, d’enseignement et de bien-être. Quand nous passons la porte d’entrée de la maison familiale à Pamplemousses, nous accédons à une grande cour ombragée où cohabitent de nombreux arbres fruitiers, différentes plantes et divers objets du quotidien. Un espace qui a toujours offert des fruits de saison, mais qui a aussi été le berceau des jeux les plus fous qui ont germé de l’imagination des jumeaux. “Nous mangions des fruits, jouions dans la terre, aidions notre mère pour l’entretien. C’était mon quotidien et il y a toujours eu cette connexion entre moi et moi-même.” Le jeune homme interroge : “D’autres cultures ont été en mesure de ne pas détruire la nature et d’évoluer avec la biodiversité naturelle depuis des milliers d’années. Pourquoi pas nous ?” De nombreuses années en tant que scout et au sein des Éclaireurs du Nord ont renforcé sa connexion naturelle avec la nature.
Bien que passionné par les matières scientifiques, John Oliver Fanfan n’a jamais aimé l’école. Atteint du syndrome du TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention), qui perturbe la transmission des informations, le jeune homme a “son propre modèle d’apprentissage” et comprend les choses à sa manière.
Sens de leadership.
Après une scolarité au Friendship College, il poursuit des études à la Chambre de Commerce. Entre-temps, pour payer ses cours, il travaille en tant que barman dans une boîte de nuit. Il sera aussi volontaire au sein de plusieurs ONG : Lakaz A et Centre d’accompagnement pour adolescents et adultes de Julien Lourdes. Des expériences qui l’exposent à plusieurs réalités au niveau de la santé, la pauvreté, l’illettrisme, l’environnement, et qui bousculent sa façon de penser. Il apprend aussi les rouages pour concevoir des projets. John Oliver Fanfan travaille par la suite avec la Commission de l’Océan Indien (COI) comme directeur sur un projet intitulé “L’homme au centre du développement durable”. En 2018, il a été boursier du Mandela Washington Fellowship et s’est envolé pendant trois mois pour l’Amérique.
John Oliver Fanfan est aussi un leader, un excellent orateur qui manie les règles de la communication. C’est tout naturellement qu’il peut s’adresser à un auditoire pluriel, à un bénéficiaire qui vient d’un quartier difficile ou à une haute personnalité. Un de ses plus grands atouts est d’être en mesure de s’adapter à tous les environnements. Protectrice, sa mère ne laissait que rarement ses enfants s’exposer hors de l’enceinte de la cour pour les protéger des fléaux. “Les samedis après la messe ou pendant les réunions de scouts, nous avions l’opportunité de rencontrer d’autres jeunes de Cité Pamplemousses.” Il apprend beaucoup d’eux car ils évoluent dans un autre système social et sont exposés à d’autres réalités qui font qu’ils ont un leadership naturel. “C’est l’origine de la construction de mon sens de leadership.”