Lorsque Star Wars débarque dans les salles obscures en 1977, personne n’imagine alors que le film donnera naissance à un nouveau genre de la science-fiction moderne. Pourtant, quarante ans et douze films plus tard, l’engouement pour cette saga interstellaire est non seulement demeuré intact, mais s’est depuis muté en un véritable mythe, déchaînant toutes les passions. À l’heure où Solo : A Star Wars Story sort en DVD, petit retour sur les recettes de cette étrange mixture entre fantastique, SF et mythologie…
C’est avec des idées plein la tête et une volonté à toute épreuve que le jeune George Lucas, à peine connu à Hollywood, débarque chez les producteurs avec un projet hors-norme. Après avoir essuyé plusieurs refus, c’est avec un budget relativement réduit qu’il allait mettre en chantier ce qui allait devenir l’une des franchises de la science-fiction les plus rentables de l’histoire du cinéma. Pourtant, rien n’était gagné d’avance. Le projet, d’ailleurs, aurait très bien pu ne jamais voir le jour.
Il faut dire que le projet cassait alors tous les codes de l’époque. Aussi, lorsque Lucas se penche sur un film de science-fiction au début des années 1970, 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick avait posé les nouvelles bases du genre : rigueur scientifique (scénario élaboré en collaboration avec la NASA) et trip métaphysique et contemplatif. Pas question pour le jeune homme de se laisser influencer par ce chef-d’œuvre. En réalité, Lucas a en tête plusieurs autres références, notamment Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien, le personnage de John Carter, créé par le romancier Edgar Rice Burroughs, et les grandes épopées mythologiques.
Multiples influences.
Le jeune metteur en scène étudie dans un premier temps Le Héros aux mille et un visages, ouvrage de Joseph Campbell, qui analyse les mythologies pour en dégager un schéma narratif redondant. En l’occurrence, il s’agit d’explorer le voyage du héros et de différents personnages archétypaux rencontrés. Des éléments que l’on retrouve dans la mythologie grecque mais aussi dans les sagas nordiques. Ainsi, l’ordre des Jedi rappelle les chevaliers de la table ronde, la princesse en détresse Leia, elle, Guenièvre. De son côté, Obi-Wan Kenobi se rapproche de Gandalf et Han Solo de Lancelot. Autant dire que La Guerre des Etoiles deviendra une sorte de space opera où les personnages semblent issus de vieilles mythologies.
Lucas va cependant plus loin, mélangeant légendes et mythes occidentaux mais aussi en introduisant des références chrétiennes et asiatiques (chevaliers aux sabres lasers et samouraïs de l’ère féodale, etc.). De même, la “force” tire son essence de la philosophie chinoise du Tao, tandis que le principe de coexistence du bien et du mal en chaque individu semble emprunté au zoroastrisme, une ancienne religion monothéiste iranienne.
Le succès de la saga Star Wars vient aussi de la cohabitation, quasi naturelle, entre la spiritualité et la science pure et dure. Ainsi, la “force” apparaît clairement comme un phénomène surnaturel. Celle-ci s’avère même plus qu’explicite lorsque les héros lancent “Que la force soit avec vous !”, et donc pas très éloigné de “Que le seigneur soit avec vous !”. Mais l’univers de Star Wars est aussi technologique, multipliant les petits détails insignifiants et les noms techniques improbables, conférant à l’ensemble une sensation de science futuriste.
Dépoussiérer les codes.
Mais la saga ne s’arrête pas là. Ce qui explique probablement la pérennité de l’enthousiasme de la saga, c’est qu’elle se réinvente, dépoussière ses codes, remet en question ses propres sources d’inspiration. Ainsi, dans les épisodes IV, V et VI, Luke est l’élu. Aucun doute là-dessus. Pourtant, dans la trilogie suivante, on apprend qu’en réalité, c’était son père Anakin, le futur Dark Vador, qui l’était. Lucas va même jusqu’à supprimer le concept d’être l’élu par principe, expliquant qu’au contraire cette destinée est influencée par le taux de midi-chloriens présent dans le sang. Cette fois, le mysticisme est banni de l’équation : l’intervention n’est non plus divine, mais génétique et scientifique.
Là où Star Wars va encore plus loin, c’est en explorant une nouvelle forme de mythologie, celle de l’intelligence artificielle, notamment avec R2-D2 et C3-PO, le tout en donnant à l’ensemble des codes de moralité, comme l’amitié entre espèces différentes (exemples : Chewbacca et Han Solo) ou encore l’égalité entre les hommes et les femmes. Autant de facteurs donc qui, finalement, auront largement contribué au succès de la trilogie originelle (Un Nouvel Espoir, L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi), de la suivante (La Menace Fantôme, L’Attaque des Clones et La Revanche des Sith) et de la dernière (Le Réveil de la Force, Les derniers Jedi, le dernier opus de cette dernière trilogie étant prévu pour fin 2019).
En sus des autres films – quatre au total (deux sur les Ewok et deux Star Wars Story) –, séries animées, jeux vidéo, bandes dessinées et romans tournant autour de la famille Skywalker ou de l’univers étendu de la franchise. Une “Starwarsmania” qui aura rapidement gagné le monde dès la fin des années 70, d’abord portée par un groupe obscur, pas encore connu sous le nom de Geek, puis, au fil des décennies suivantes, touchant un public de plus en plus important.
Pour certains, Star Wars ne reste qu’un divertissement ayant recyclé de nombreuses références. Pour d’autres, la saga de George Lucas est un mythe bien contemporain. Une œuvre remplie de sens pour beaucoup, dans un étroit dialogue avec ceux ayant décidé d’y croire. Une démarche de “crédibilisation” d’un univers et de ses lois, illustrées par Roland Barthes dans son ouvrage Mythologies (Seuil, 1957) : “Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société.”
Le cycle vertueux, bien qu’en constante mutation, engagé dès 1977 jusqu’à La Revanche des Sith semble avoir été rompu depuis 2012, date de l’acquisition de Lucasfilm par Disney. Une nouvelle voie, plus commerciale cette fois, s’ouvrait, inquiétant les fans qui y voyaient là, à tort ou à raison, un risque réel d’orienter la saga vers un simple divertissement, vidé de sa profondeur mythologique. Mais aussi dépouillée de sa dimension politique, extrêmement importante dans les six premiers films. Le rythme accéléré de la production de films ainsi que l’annonce d’une série Star Wars en live, et non plus en animation, ajoutent à leurs craintes.
Gageons que la firme de Mickey reviendra à l’essence même du mythe qui, jadis, avait forgé le noyau dur de Star Wars, projetant la saga au firmament des étoiles du cinéma, il y a déjà bien longtemps, dans une galaxie très lointaine.
JOHN WILLIAMS
Un dernier tour et puis s’en va !
Qui dit Star Wars dit évidemment John Williams. Comment en effet imaginer aujourd’hui la plus célèbre des sagas intergalactiques sans ses thèmes musicaux ? Mais pour John Williams, l’heure de la retraite spatiale a sonné. Le légendaire compositeur, qui a signé toutes les bandes originales de la saga depuis 1977, et récompensé par cinq Oscars, a confirmé sa contribution au neuvième film de la franchise, mais compte ensuite tirer sa révérence.
“On sait que J. J. Abrams prépare le neuvième épisode de Star Wars, que j’espère faire l’année prochaine. Je m’en réjouis. Ce film complétera une série de neuf volets. Et ce sera bien assez pour moi”, a déclaré le compositeur de 86 ans.
Difficile pourtant d’imaginer Star Wars sans John Williams. Le compositeur a signé les participations musicales de tous les épisodes officiels de la franchise intergalactique, en sus de s’être fait remarquer avec d’autres bandes originales cultes, comme celles de Jurassic Park, des Dents de la mer, d’Indiana Jones, de Superman et d’E.T. l’extra-terrestre.
En 2016, John Williams avait laissé sa place à Michael Giacchino pour composer la musique de Rogue One, premier film dérivé de la saga Star Wars, mais avait signé en revanche le thème de Solo, spin-off centré sur la jeunesse du contrebandier.