Après le coup d’éclat de son opus précédent, le deuxième album de Sydney Alfred apparaissait comme un nouveau défi, mais se révèle une continuation très colorée. Surnommé “le Melorics” pour son art de faire parler l’accordéon entre ses doigts, il fait encore bouger Rodriguais et Mauriciens au rythme de Switch On, titre rebaptisé Chaleur. La démarche musicale du jeune homme, riche et ouverte, n’a pas changé, revisitant toujours le style diatonique à sa sauce. À la différence près que sur Melorics 2, il intègre avec gourmandise des paroles bien pincées, sur des rythmes oscillant entre modernité et tradition… Pa badinin !
Scope avait rencontré l’accordéoniste en mars 2017 alors que Chaleur étourdissait les esprits. Le premier album avait “entièrement été enregistré au rythme de l’accordéon”. Fort de l’accueil de ce premier projet solo, sur Melorics 2, Sydney Alfred a décidé de donner de la voix à son accordéon, bien que l’instrument soit toujours prédominant. “C’était un choix délibéré de m’engager vers un album instrumental pour que le public puisse apprécier la valeur de l’accordéon et s’en imprégner. Sur Melorics 2, j’amène l’accordéon à côtoyer des paroles, sans pour autant négliger mon instrument.”
Dialogues accrocheurs.
Sydney Alfred est connu comme Le Melorics (fusion de “mélodie” et “lyrique”) pour son talent à faire jaser l’accordéon entre ses doigts. Il se sent libre à explorer d’autres pistes car il s’est déjà bâti un nom et une réputation. L’auteur et le chanteur en lui ont voulu s’exprimer. “Très peu d’accordéonistes jouent en donnant de la voix. J’ai toujours voulu me lancer dans ce genre de projet.” Le Rodriguais donne le ton avec des dialogues très accrocheurs. Dans un style qui reste bon enfant, il se permet de faire passer des messages sérieux. “C’est une histoire de famille. Avant moi, mon père et mon grand-père avaient les mêmes affinités pour mettre du piment dans les dialogues.”
Ainsi, pas étonnant que le titre Mo nek la (Na pa swa) connaît du succès, cette expression faisant partie intégrante du lexique rodriguais. “Impuissant devant certaines réalités de la vie, na pa swa, mo nek la.” Lorsque vous n’avez pas d’autres choix, “be ou bizin nek la”. Un titre dans un style afro et séga rodriguais, avec presque autant de punch rythmique que Chaleur, mais avec de la voix en bonus, mâtinée d’une touche de modernité.
Vivante et vibrante.
L’opus porte bien son titre, car Melorics veut tout dire. “C’est le nom de l’album, celui de mon groupe et celui qui me correspond.” Il s’agit bien d’une continuation de l’effort précédent. Le musicien affiche toujours une approche décomplexée face à son instrument et accorde son style diatonique hors des bases classiques, le faisant vibrer sur du country, de l’afro et du séga. La musique est vivante, vibrante et libérée des formats en vigueur pour l’accordéon.
Le musicien propose deux reprises mijotées à sa sauce : Benjamin et To si tou ? Ce dernier titre est une polka traditionnelle revisitée dans un registre ska. “Nostalgique de ce temps, je veux donner un nouveau souffle à cette musique, qui est aussi populaire qu’elle l’était auprès de nos aînés, histoire qu’ils replongent dans leur passé pas si lointain.” Sur des titres comme Mezir toi, la tradition ambiancée de la musique d’accordéon est bien présente et donne envie à Sydney d’un “challenge sur ce kotis”. L’ambiance est aussi à son apogée sur Le 1er Mai, où Sydney Alfred “rend hommage aux travailleurs ki dormi tar e lev boner toulezour”. Lorsque, “dan dimans tanto bizin gard lekor pou demin” et “dan lapli bizin met bot e pardesi”.
Personnalité atypique.
Sydney Alfred affiche un physique et un style qui lui sont propres. En fonction de ses envies, sa chevelure change de couleurs, qu’il assortit toujours à sa barbe. “J’ai une personnalité atypique et j’aime me démarquer sur scène comme dans la vie.” Cet ancien cuisinier a décidé de se consacrer entièrement à la musique. Il profite de cette liberté d’être et s’entoure de musiciens de carrière avec qui le courant passe. La petite nouveauté sur cet opus est que Sydney Alfred officialise son groupe (Les Melorics) et signe encore une fois avec ses musiciens : Jean Alain Collet (bassiste), Hervé Flore (guitariste), Wendel Perrine et Berceman Guillaume (pianistes), Jean-Pierre Kani (batteur), Bruno Ravina (batteur tambour) et Christian Lisette (percussionniste). “Sans oublier mes deux nouvelles choristes, Dioza et Chaja. Travailler au sein d’un groupe avec un esprit d’équipe a l’avantage de rendre consistante votre couleur musicale.”
“Mo pou fer twa danse”.
Raison pour laquelle il ose s’affirmer sans complexe, même sur du country, qui est un de ses styles musicaux favoris. “Sur chacun de mes projets musicaux, il y a une touche country mijotée à ma sauce.” Il fait tournoyer son accordéon sur du country sur Mone danse tou. Un accordéoniste qui se respecte doit savoir bouger au son de l’instrument, dit-on dans le milieu. Et comme il le chante à travers ce titre : “Nou’nn dans sega, nou’nn dans polka, nou’nn dans kizumba, nou’nn dans salsa, nou’nn dans maloya… zordi ankor mo pou fer twa danse.” Il n’a jamais dansé sur du country; “aster ki pou bouz lorla”. Pour terminer dans le même rythme, La danse Escargo vous invite à “dans lorla” et à vous laisser prendre par le rythme lent de cette chanson déclinée sur des sonorités afro.
Sydney Alfred sera prochainement à Maurice pour une campagne de promotion de Melorics 2. Ses fans lui réclament déjà un troisième album, mais le jeune homme veut prendre son temps pour pouvoir offrir à son public le meilleur de lui-même.