« Irregular, irrational and unreasonable ». Tels sont les très sévères qualificatifs infligés à l’encontre du board de la Gambling Regulatory Authority (GRA), qui avait pris la décision le 24 octobre 2018 de demander aux détenteurs d’une licence de bookmaker off-course de retourner au Champ de Mars sans explication aucune à partir de la saison 2019. Les juges Teelock et Oh San-Bellepeau n’ont pris qu’une petite semaine après les plaidoiries des deux parties pour annuler purement et simplement la décision arbitraire du board de la GRA, ce qui la contraindra à renouveler les permis off-course de ces bookmakers pour cette année.
D’autres remarques dans ce jugement sont révélatrices du mindset des actes du board dans ses décisions. Ainsi, la cour fustige le board de la GRA qui, « as the decision-maker must understand correctly the law that regulates his decision-making power and must give effect to it. » En outre, les juges écrivent que la GRA ne peut pas utiliser une condition de la licence émise pour le fixed-odd betting pour supplanter ce qui est clairement défini par la loi sous la section 44 de la GRA Act. La Cour suprême a aussi trouvé que la GRA n’a donné aucune raison pour expliquer sa décision et lui rappelle cinglement que la section 4 de la GRA Act fait de la transparence un des objectifs de l’autorité : « Transparency of process calls for reasons to be given for decisions. »
La justice avait déjà été très critique envers la GRA il y a moins d’un an, le jeudi 17 mai 2018, dans un jugement suite à la demande de révision judiciaire d’une décision de l’instance de vouloir réduire les points de vente de chaque opérateur de paris à travers l’île, de 21 à 11 par bookmaker. Le chef juge Keshoe Parsad Matadeen avait annulé cette décision et avait trouvé que la GRA n’avait été que le « mouthpiece » du gouvernement, alors que la loi lui donne le pouvoir de prendre une décision indépendante en toute discrétion. Après ces deux jugements de la plus haute cour du pays, où la GRA est clouée au pilori pour avoir failli à son devoir d’indépendance, de rationalité, de responsabilité, de transparence et pointée du doigt d’être le porte-voix du gouvernement, la démission en bloc du board s’impose pour redonner une chance à cette institution de se refaire une virginité. Mais pour cela, il faut du courage, mais aussi de la dignité, des valeurs qui se sont malheureusement étiolées au fil du temps dans la vie publique. On se demande encore ce qui contraint un Deputy Financial Secretary et un Sollicitor General de continuer à siéger sur un board complètement dévalué aujourd’hui.
Il est plus que temps de mettre un terme au one-man-show et aux desseins inavouables du conseiller au PMO, Dev Bheekary, supporté par son président, Om Dabbidin, depuis qu’on lui a rappelé qu’il n’était qu’un intérimaire et qu’il ne tient son poste qu’au bon vouloir de son collègue. Évidemment, il ne faut pas non plus compter sur le pouvoir pour congédier ces deux fidèles lieutenants, qui accomplissent avec ferveur et succès leur mission de répondre aux désirs d’un opérateur de jeux, qui aurait les faveurs de l’hôtel du gouvernement pour son support lors des dernières élections générales et dont les généreuses donations seront les bienvenues pour les prochaines.
En effet, dans leurs plaintes contre la GRA et dans des articles de presse, les opérateurs de paris et les bookmakers avaient clairement fait comprendre que les tracasseries et les décisions arbitraires qu’ils subissaient de la part de la GRA avaient pour but de favoriser un de leurs concurrents du monde des paris qui, depuis le changement de gouvernement, a implanté à travers l’île un véritable empire des paris et des jeux. Outre ses betting shops sur le football et les courses étrangères, ses loteries papier ou digitales pour lesquelles il a obtenu des licences avec une rapidité choquante, il a déjà eu le feu vert pour opérer des machines à sous à paiement limité dans plusieurs régions de l’île. L’élimination des bookmakers off–course aurait, selon les actuels opérateurs, ouvert au nouvel arrivant une manne de plus de Rs 25 millions par semaine si la cour ne les avait pas rétablis dans leurs droits.
La GRA ne pratique pas seulement la politique favorable aux petits copains, mais elle a une prédisposition naturelle à tout faire pour punir ceux qui ne sont pas dans ses bons papiers. Ainsi, ces dernières années, on lui prête une forte propension à influencer le ministère du Travail sur la délivrance des permis aux jockeys étrangers qui sont recrutés pour venir monter à Maurice. Bizarrement, ce sont toujours les jockeys de certaines écuries qui voient leur permis refusé, alors qu’ils avaient un avis favorable de l’organisateur et parfois du régulateur lui-même. La proximité avec un propriétaire et ex-bookmaker pointé du doigt dans le rapport Parry constituait un obstacle patent.
Cette année encore, l’écurie Rameshwar Gujadhur a eu la désagréable surprise de voir son choix de jockeys être refusé de manière très arbitraire, cette année pour le jockey Martinez, qui avait pourtant monté et brillé lors de la journée internationale. Il en fut de même les années précédentes. Heureusement, ce contretemps ne l’a pas empêchée de réaliser un beau doublé dans la Duchesse avec la brillante performance de ses chevaux White River et Nebula, ce qui lui permet d’ajouter enfin pour la première fois cette épreuve classique dans son escarcelle. Mais le jockey vainqueur Derreck David n’avait pas fini de savourer son bonheur d’avoir engrangé sa première course classique à Maurice qu’il a été informé dès lundi, avec deux autres collègues Cédric Ségeon et Imran Chisty, qu’il leur était interdit d’exercer à Maurice avec effet immédiat. Selon la GRA, qui a adressé un courrier avec une célérité coupable au MTC à cet effet, les étrangers mariés à des Mauriciens devaient désormais se doter d’un permis de travail pour exercer sur notre sol.
Cette décision surprise et inattendue a été approuvée le 8 mars dernier par le ministre du Travail, alors qu’aucune indication à cet effet n’avait été préalablement annoncée et aucune décision du conseil des ministres de ces trois derniers mois n’en fait état. Une fois encore, on prête à certaines grandes pontes de la GRA d’avoir influencé ce changement, même s’il s’applique à tous les secteurs d’activité. En effet, l’attente de l’assent de la présidence était particulièrement fébrile à la Newton House la semaine dernière et la rumeur veut qu’il était prévu de l’inclure dans les directives 2019, mais comme il n’est intervenu que le 21 mars, le lendemain de sa réception par le MTC, c’est une lettre en date du 24 mars qui l’exige.
Une demande expresse du MTC pour un moratoire a été finalement acceptée par le ministère du Travail pour trois mois en ce jeudi matin, ce qui devrait permettre aux trois jockeys étrangers de monter pendant ce temps, en attendant l’obtention de leur permis. Un heureux dénouement qui a sans doute été favorisé par les coups de semonce de la cour à la GRA, qui est une nouvelle fois désavouée dans cette affaire. Heureusement qu’il demeure encore des îles d’indépendance dans ce pays, où il faudra définitivement se débarrasser de ces quelques têtes brûlées qui pensent que le pouvoir est une arme que l’on peut utiliser à sa guise et son bon vouloir. Ceux-là sont définitivement disqualifiés !