Il y a trois domaines où Clovis Vellin s’est révélé un Mauricien de grand cœur et un vrai meneur. Je ne cite de mémoire que ces trois domaines qui me reviennent. Il avait une connaissance approfondie de notre pays et savait organiser des sorties éducatives qui réunissaient de jeunes adultes enthousiastes à aller découvrir ensemble les sites exceptionnels du pays. Il n’y avait pas que les ascensions de nos montagnes et les descentes dans les gorges et vallées, mais il y avait aussi les explications qui illustraient toute l’histoire géologique du pays. C’est le géographe qui nous faisait sortir de nos manuels scolaires en nous menant sur le terrain découvrir notre terroir et, en même temps, alimenter notre mauricianisme.
Après la Deuxième Guerre mondiale, l’État d’Israël, qui se construisait, voulait remercier ceux qui avaient aidé les Juifs pendant les longues années de leur attente de pouvoir entrer dans la terre promise où ils avaient souhaité s’installer. La solidarité mauricienne avait rendu cet exil forcé de quelque 2 000 juifs dans notre pays moins pénible, une belle histoire déjà racontée et maintenant perpétuée dans le musée qui se trouve dans la cour du Cimetière Saint Martin. L’agronome qu’était Clovis Vellin ayant eu l’occasion d’apprendre les techniques modernes d’agriculture et d’élevage des Juifs avait lancé le club des Young Farmers pour inviter les adolescents mauriciens à s’adonner à des activités agricoles soit pour gagner leur vie ou pour occuper leurs loisirs. Cela a même permis aux meilleurs d’entre eux d’obtenir un temps d’apprentissage dans les fermes israéliennes, mais cette solidarité israélo-mauricienne a déplu à certaines sections de la population mauricienne avec pour résultat qu’il n’était plus possible pour notre pays d’accepter des bourses de l’État d’Israël ; un blocage qui a été un coup dur pour Clovis Vellin.
Un autre coup dur est venu de la façon dont l’État mauricien a traité le travail qu’il a effectué comme responsable de la Development Works Corporation. Il s’agissait alors d’organiser le relief work pour des chômeurs afin de leur permettre de gagner un salaire. En vrai meneur d’hommes, il savait comment les mobiliser et leur donner le goût du travail bien fait. Il voulait aussi, autant que je me souvienne, créer une route parallèle sur les flancs de la Montagne des Signaux ; mais il a fallu tout arrêter. Limogé, il a été prié de reprendre ses fonctions au ministère de l’Éducation. Il a refusé pour devenir finalement un employé de la Banque mondiale, ce qui lui a permis de mettre ses compétences au service d’autres pays.
Clovis Vellin reste une figure de marque que notre pays n’a pas su garder et mettre en valeur. Le voici décédé en cette même année où Alain Gordon Gentil nous fait don de son film « Les enfants de l’exil » lancé récemment au Star Bagatelle. Si certains de ces partants avaient l’espoir de trouver mieux ailleurs, d’autres sont partis avec des blessures de n’avoir pas été acceptés avec tout ce qu’ils espéraient pouvoir faire pour leur pays. Qu’ils soient surtout consolés d’avoir fait de leur mieux, sans rien attendre en retour.
Merci Clovis Vellin, pour le Mauricien hors pair que tu restes dans le souvenir de ceux qui t’ont connu et ont beaucoup appris de toi.