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Un rapport accablant

On avait pu craindre à certains moments que le rapport de la commission d’enquête sur le drogue ne soit enfermé dans un tiroir dont on égarerait la clef. Certains avaient même redouté que suite aux multiples pressions, la montagne n’accouche d’une souris. Mais grâce à la détermination du président et des assesseurs de cette commission et aux mises en garde contre toute tentative de “cover up” – surtout qu’il était évident que des membres et des proches du gouvernement seraient pointés du doigt –, le gouvernement a été contraint de rendre publiques ses conclusions. Le rapport explique à quel degré le trafic de la drogue a pénétré les sphères de la société mauricienne et gangréné certaines de nos institutions responsables de lutter contre. Au fil des audiences de la commission, on avait découvert que des hommes et des femmes de loi entretiennent des relations, qui semblent dépasser largement le cadre professionnel, avec des barons et des trafiquants de drogue.
Cette proximité douteuse pointée du doigt par la commission n’avait pas empêché le Premier ministre de nommer Mme Jadoo Jaunbocus – dont le nombre record de visites à des condamnés pour trafic de drogue avait stupéfié la commission – à un poste ministériel. Avec la démission forcée de sa nominée, Pravind Jugnauth vient de récolter les fruits de son manque de perspicacité et sa propension à nommer ses “gens” à des postes de responsabilité. À ce sujet, il faut regretter qu’au lieu de se contenter de dire qu’il avait fait son devoir en rendant public le rapport – et en prenant, on l’espère, les mesures qui en découlent –, le Premier ministre ait cru bon de critiquer le gouvernement précédent. Ce besoin de montrer qu’il est meilleur que Navin Ramgoolam dans tous les domaines commence à devenir un cliché, qui fait sourire, chez Pravind Jugnauth. On pourait même se demander si cette obsession ne trahit pas une crainte.
Si chacun des chapitres du rapport de la commission mérite une lecture attentive, celui consacré à la police, plus précisément à l’Anti Drug and Smuggling Unit (ADSU), l’unité responsable de mener la lutte contre les trafiquants,  est édifiant. “ADSU has outlived its purpose and there are systematic failures which can no longer be cured”, écrivent les commissaires. Qui ajoutent que vu l’ampleur du trafic de la drogue à Maurice, les autorités doivent prendre des “bold and incisive actions.” La commission sur la  drogue note, en effet, qu’à l’heure actuelle, l’ADSU est sous-équipée en termes de personnel, d’expertise, d’équipements sophistiqués et à la pointe de la technologie. D’autre part, la commission remet en question l’institution de la Customs Anti-Narcotics Section (CANS) au sein de la Mauritius Revenue Authority, qui fait le même travail que l’ADSU.
Apres étude des deux unités qui fonctionnent mal, puisque chacune marche sur les plates-bandes de l’autre, la commission est arrivée à la conclusion que ces deux unités doivent être démantelées. Elles devront être remplacées par une seule unité dotée d’un cadre légal qui se chargerait non seulement d’enquêter sur les crimes liés à la drogue, mais aussi d’entamer des poursuites contre les trafiquants. La commission justifie la création d’une telle unité en faisant ressortir qu’”il est inconcevable qu’au sein même de l’ADSU se trouvent des officiers corrompus qui travaillent main dans la main avec des barons de la drogue.” Dans ce même chapitre, la commission analyse “l’inefficacité” de la méthode d’investigation et de récolte d’informations de la police. “Malgré les nombreuses ressources déployées, les saisies de drogue et arrestations sont principalement dues à la chance ou à des informateurs.” Plus loin, la commission écrit: “Il a été porté à notre attention que les opérations sont menées de telle façon qu’en fin de compte, ce ne sont que les mules qui sont arrêtées et condamnées, tandis que les barons de la drogue continuent à marcher librement.” Et pour la commission drogue, “this scattergun approach has to stop.” La commission souligne que tous ces éléments ne font qu’apporter de l’eau au moulin des divers témoins qui ont confié à la commission d’enquête sur la drogue qu’ils n’ont aucunement confiance en la police…
Nous aurons l’occasion de revenir sur d’autres aspects du rapport de la commission d’enquête sur la drogue et de vérifier si dans la lutte contre le trafic de drogue, le gouvernement “mean business” comme son chef ne cesse de le répéter. Terminons en reprenant la question pertinente posée par le leader de l’opposition. Qui va mener l’enquête sur les dysfonctionnements de la police recensés par la commission d’enquête, l’ADSU?

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Jean-Claude Antoine

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