On peut déjà prévoir ce que déclareront les leaders de partis politiques après le 1er mai. Ils ont tous gagné la bataille des foules et ils s’envolent vers une éclatante victoire aux prochaines élections générales. Le folklore sera une nouvelle fois sauvé! Sauf que cette année, la mobilisation se révèle encore plus laborieuse que les années précédentes.
Certains l’avaient compris et avaient décidé de faire l’impasse sur cette coûteuse organisation, le PTr depuis 2015, le trésor de guerre du leader ayant été confisqué par la police, et le MMM il y a quelques semaines avant de se raviser sous la pression des militants. Le PMSD est au rendez-vous cette année, lui aussi, après avoir choisi parfois une autre date pour la célébration de la fête des travailleurs.
Le MP d’Alan Ganoo et son nouvel allié de la Plateforme Militante ont, pour des raisons qui ne trompent personne, décidé de déclarer forfait alors que le 1er mai 2017, le MP était à la Louise et qu’il projetait d’y être à nouveau cette année avant de se raviser, laissant ainsi ses activistes libres de se rendre à d’autres rassemblements, surtout à celui de Port-Louis, question de revendiquer ensuite d’avoir fourni un contingent non-négligeable. Il n’y a que le MSM et ses gros moyens qui ont toujours été invariablement au rendez-vous du 1er mai, la version 2019 ne dérogeant pas à la règle au vu du support conséquent qui été déployé en cette fin de semaine en terme d’affichage, même illégal, le concept de “gouvernma dan nou lamé” étant bien acéré dans la culture du Sun Trust depuis les années 80.
Cette valse-hésitation entre y aller ou se dérober peut se comprendre. Parce que si l’organisation d’un 1er-Mai coûte énormément d’argent et que certains sont prêts à y mettre une fortune pour essayer de faire une démonstration de force, les partis et leurs dirigeants savent que le meeting de la fête des travailleurs présente, hors période de campagne électorale, le désavantage de ne pas offrir de baromètre fiable quant aux préférences des électeurs. Et encore, lorsqu’ils ont décidé d’en avoir, ce qui est loin d’être le cas en ce moment fortement caractérisé par la lassitude, la désaffection et le rejet. Pas besoin d’attendre mercredi prochain pour savoir que les principaux partis feront le plein de leur hardcore respectif et que ce sera sans doute un non-évènement. La raison étant que chaque parti est confronté à ses propres problèmes.
Les partisans du MSM qui avaient connu un moment d’euphorie le 25 février, jour de l’acquittement de Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint – qu’un collaborateur écrivant chez un confrère a eu raison de rappeler que ce dossier n’est pas clos dans la mesure où tout n’a pas encore été dit – et de la victoire devant la Cour Internationale de Justice dans l’affaire des Chagos ont vite déchanté. Parce que chaque jour amène son lot de problèmes pour leur parti.
Si ce n’est pas Vishnu Lutchmeenaraidoo qui claque la porte et qui s’en va se réfugier dans sa cave, ce sont d’autres, à l’instar de Raj Dayal et de quelques autres, de contrarier la partition que le leader du MSM avait pensé avoir réussie. Raj Dayal a juré un affidavit pour dire que Sir Anerood Jugnauth n’aurait pas honoré une promesse qui lui été faite de retrouver son maroquin. C’est un peu bizarre qu’il ait attendu que le bonhomme ait des soucis de santé pour le faire. Ce qui est sûr, c’est que, contrairement à Pravind Jugnauth, son père lui aurait probablement indiqué la porte de sortie depuis bien longtemps, menace de démission et perspective d’une nouvelle partielle ou pas.
Que recherche Ray Dayal au juste? II a déjà empoché son généreux cadeau des Rs 15 millions de l’État, ses fils ont été casés: Avinash Raj Dayal préside le comité de conciliation de la fonction publique depuis novembre 2015; Maheshwur Raj Dayal a été recruté, après appel à candidatures, il est vrai, comme le directeur de la compagnie “privée” du CEB, Green Energy Ltd, et touche un salaire de Rs 120,000 en plus de deux allocations de Rs 18,750 et de Rs 10,000, ce qui n’est pas négligeable. Mais il n’y a pas que le tonitruant Raj Dayal que Pravind Jugnauth a du mal à gérer, il y a ses trublions du No 10, les Sesungkur et les Tarolah et ceux d’autres circonscriptions qui se révoltent parce que les transfuges de la dernière heure seraient, selon eux, mieux considérés qu’eux, les zanfan lakaz du Sun Trust.
Et il n’est pas sûr que laisser Anwar Husnoo – une girouette politique qui a été député du PTr, candidat et député du ML et aujourd’hui politiquement acquis au MSM et qui est un autre bénéficiaire d’un beau cadeau de Rs 15 millions de la part de l’État – et Raouf Gulbul, critiqué dans le rapport sur la drogue, mobiliser les électeurs soit très concluant et enthousiasmant. C’est dire que le MSM doit sortir l’artillerie lourde en terme de logistique pour faire le plein mercredi. Et c’est ce qu’il est en train de faire.
Au PTr, parti qui a longtemps été aux affaires et qui dispose pourtant d’un important noyau dur, pas plus d’enthousiasme, les images de son leader et de son coffre ayant longtemps marqué et troublé les esprits. La victoire d’Arvin Boolell qui avait provoqué un frémissement et qui avait fait croire aux prémices d’un changement à la direction des rouges, a vite été remballée.
Son allié, le PMSD, pas mieux loti, est toujours en pleine période de rémission de sa caution perdue à la partielle du No 18. Au MMM, où cela a été difficile de se remettre de la débâcle de décembre 2014 et, malgré la sortie réussie le 1er mai 2017, il y a eu ces départs successifs qui l’ont très affecté et ces militants hésitants qui craignent l’option d’une aventure en solo qui, pourtant, rencontre l’adhésion d’une majorité des mauves. C’est sûr que ce n’est plus la fièvre d’antan. Les temps ont changé, l’électeur n’a pas besoin d’aller à un meeting pour savoir ce que disent et font les dirigeants. Il veut regarder au delà du 1er mai 2019, voir la configuration finale des coucheries avant de décider pour qui il va voter et même s’il va voter. C’est ça la réalité.