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L’affaire Gurib-Fakim-Sobrinho : Ni gesticulations ni enfumage

Si, comme on peut aisément le concevoir en faisant, évidemment, abstraction de tout autre satisfaction personnelle qu’on en retirait, le but ultime de toute activité professionnelle est de se faire de l’argent, le moins qu’on puisse constater, c’est que Mme Ameenah Gurib-Fakim, notre ex-présidente de la République, aura alors gaspillé beaucoup de son précieux temps.

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Elle, scientifique de renommée mondiale et passionnée d’horticulture, a, sans doute, dû dans l’exercice de sa profession, énormément fait d’effanage. Ce terme effanage, nous apprend le Larousse, se rapporte à l’opération qui consiste à favoriser la formation des fruits. Ainsi, notre avis, au lieu d’effaner dans les plus beaux jardins et instituts de la planête — même avec une généreuse carte de crédit Platinium en mains — il aurait été plus profitable à Mme Gurib-Fakim de seulement « faner » dès les premiers jours de sa prise de fonction au sommet de l’Etat mauricien. Que son glorieux temps de service à la nation eût alors durer trois jours, trois semaines ou trente mois, cela n’aurait absolument rien changé dans ses mirobolantes conditions de retraite. Prise en faute pour n’importe quel délit, moral ou éthique, elle serait quand même partie avec un gros parachute doré. Soit, avec exactement les mêmes privilèges dus à un pair qui, lui, se serait acquitté de ses devoirs dans les règles et avec honneur.

Il y a définitivement quelque chose qui défie la logique dans le royaume du gouvernement Lepep ! Et pourtant, même le parrain de l’ex-présidente de la République à son poste, le Deputy Prime Minister Ivan Collendavelloo, malgré une admiration réitérée pour sa personne, a été contraint de concèéer : « Nou bizin dakor ki présidente inn fané. »

Relevons, en passant, ce mot très inélégant de « fané » d’Ivan Collendavelloo, avocat emérite jamais, sans doute, à court de vocabulaire. Dans l’imaginaire de l’homme de la rue mauricien, le mot revêt une connotation scatologique. Est-ce justement parce que les agissements de madame l’ex-présidente et ceux de son protégé, l’homme d’affaires angolais Alvaro Sobrino, ont soulevé au sein de notre société un tel miasme que même le plus chevalresque des gentilhommes pourrait ne pas avoir meilleure inspiration pour soigner son langage ?

Mais, au-delà du jugement obligé et tardif d’Ivan Collendavelloo, il y a dans cette affaire Gurib-Fakim-Alvaro Sobrino — un scandale qui a entrainé la chute de la toute première femme chef de l’Etat mauricien et, à un moment donné, l’unique femme à la tête d’un Etat africain — des aspects inacceptables qui auraient déclenchés des manifestations monstres de citoyens indignés, si pareil scandale avait lieu ailleurs, en Corée du Sud ou au Brésil par exemple.

D’abord, il y a les conditions du départ forcé de l’ex-présidente du château du Réduit ; au moins Rs 240 000 de pension mensuelle et à vie, services d’un chauffeur, d’un garde du corps et d’une secrétaire (celle-ci, on se le demande pour quoi faire vraiment ?). Qui a fixé ces conditions ? le Premier ministre ? Son Conseil des ministres ? L’Assemblée nationale ? Est-ce concevable quand on sait qu’il y encore ici une majorité qui tire toujours le diable par la queue pour finir les fins de mois ? Quand on sait qu’avec une telle pension — que vous et moi, contibuables, auront à casquer — on aurait pu employer 30 chômeurs payés au salaire minimum national de Rs 8000 par mois. L’ex-présidente qui n’a pas été à la hauteur ne méritait-elle pas châtiment beaucoup plus sévère ?

Ensuite, dans son bras de fer avec l’Hôtel du gouvernement, avant qu’elle ne capitule totalement, Mme Gurib-Fakim a essayé d’instituer une commission d’enquête sur toute l’affaire Alvaro Sobrinho, y compris sur ses propres faits et actes. Que cette démarche ait violé ou pas la Constitution du pays et qu’elle ait été un cas de Gross Misconduct, c’est devenu maintenant tout à fait secondaire pour une très grande partie de l’opinion de ce pays.

Des attributions au forceps !

Le Conseil des ministre a décidé que l’ex-présidente aura à en répondre devant une autre commission d’enquête, celle-là proprement mise sur pied, cette fois, selon la Constitution Mais, grand Dieu ! Quand démarrera enfin cette commission d’enquête sur la commission d’enquête apparamment illégale de l’ex-présidente ? On ne sait pas si c’est la lecture qu’il faut réellement avoir de la section 69 de la Consitution du pays qui bloque la machinerie, mais le constat est que les attributions de la commission d’enquête version du gouvernement semblent devoir accoucher au forceps. Elles semblent définitivement sujettes à une forte constipation, car cela fait plus d’un mois et une semaine qu’au gouvernement on ne fait qu’annoncer que « bann attribisyon la pé finalize la ! » 

Or, pour le pays réel, pour le citoyen lambda, il lui tarde de savoir si, dans une tentative de sauver son honneur — ou sa peau — Mme Gurib-Fakim a essayé ou pas de faire quelque « coup  d’Etat ». La véritable attente populaire est que toutes les responsabilités soient établiées, que tous les tenants et aboutissants directement liés à monsieur Sobrinho et ses affaires soient démasqués. Et, si les faits reprochés sont avérés, que les coupables soient rapidement punis.

Le Premier ministre a déjà manœuvré afin que l’éventuelle commission d’enquête de son gouvernement n’ait qu’un champ d’action limité. Il prétend que c’est désormais à la Commission indépendante anti-corruption (ICAC) de tirer au clair les activités de Sobrinho à Maurice. Toutefois, si l’ICAC veut véritablement convaincre de son efficacité, qu’elle n’est plus le bouledogue sans dent si souvent décrié depuis sa création, elle ne devrait pas prendre encore plus de temps qu’elle n’a mise pour enfin commencer à inquiéter Mmes Choomka et Viyaya Samputh Autrement, tout le remue-ménage très médiatisé auquel on assiste actuellement ne serait que gesticulations

Pour une commission d’enquête crédible

Par ailleurs, aura beau faire l’effort de ne pas personnaliser le débat, mais dans les circonstances présentes, tous les yeux de la population se tournent depuis longtemps particulièrement vers deux dirigeants de notre pays ; le Deputy Prime Minister Ivan Collendavelloo et Anil Gayan, son adjoint à la tête de leur Mouvement Libérater. En effet, on a connu Ivan Collendavelloo jadis trop vertueux et monsieur Gayan, lui, trop inquisiteur quand il s’agit de la gestion des affaire publiques pour qu’aujourd’hui ils n’encouragent le Premier ministre à se cacher derrière l’ICAC plutôt que d’instituer un commission d’enquête crédible qui siègerait en public. Il faut rappeler que le premier nommé n’avait pas hésité à rendre son siège de parlementaire, en 1989, rien que pour avoir patronné une demande de passeport d’un homme d’affaire sud-africain. Ce patronage allant à l’encontre de la politique de son parti d’alors, le MMM, qui, lui, préconisait officiellement le boycott de l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Quitte à perdre son siège de député — ce qui arriva d’ailleurs — Ivan Collendavelloo avait alors évoqué une question de principe.

Avec Sobrinho, il ne s’agit pas que d’une malheureuse signature sur un passeport, mais, possiblement, d’infiltration d’un affairiste étranger douteux au plus haut niveau de l’Etat et de ses institutions financières. C’est donc infiniment plus grave ! Anil Gayan, lui, avait fait tout un boucan avec une certaine affaire Plessey vers la mi-1980 au point de se retirer comme ministre du gouvernement. A charge maintenant à ces deux dirigeants de prouver que le temps et leurs fonctions actuelles n’ont pas fini par ronger leur vertu à tous deux.

Pourquoi se cacher derrière l’ICAC. Le peuple, nous en sommes sûr, exige une commission d’enquête crédible de préférence, composée d’experts en blanchiement d’argent. Il ne faut donc ni de gesticulations, ni d’enfumage !

Henri Marimootoo

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