On ne va pas pousser l’ironie ou la superstition à l’extrême jusqu’à décréter, comme ceux qui manient l’humour avec un certain talent à Rodrigues, que le coq de Xavier Duval est “mofine” parce que, dès l’annonce de l’arrivée du chef de la basse cour dans leur île, un accident rare de plongée a emporté une touriste française de 73 ans résidant à l’hôtel Cotton Bay. Non, faut être sérieux sur ces sujets. Puisqu’il s’agit de respect, de dignité et d’émancipation. Et surtout d’affection pour cette île si attachante, si conviviale, si humaine.
Le leader du PMSD, flanqué de son “défonceur” en chef Mahmad Khodabaccus, a débarqué à Rodrigues cette semaine. La visite de dirigeants d’un parti politique de Maurice et surtout ses objectifs déclarés constituent une première depuis des décennies et, surtout, depuis l’avènement de l’autonomie en 2002. C’est normal qu’elle fait évidemment débat, d’autant qu’elle s’est achevée par une “visite surprise” à l’unité de dialyse de l’hôpital de Crève Cœur. Du pur cinéma opportuniste à la PMSD.
Tant qu’à faire, le député de Quatre-Bornes, qui a été ministre des Finances, aurait aussi pu aller voir pourquoi les patients atteints de cancer ne peuvent plus se faire soigner à l’hôpital de sa circonscription, Candos, parce que l’appareil de radiothérapie est trop ancien et qu’il aurait dû être remplacé depuis des années déjà. Il aurait pu aussi s’enquérir du sort de ces enfants qui vivaient dans un appartement sur la grand-route de Quatre-Bornes avec un chien et un singe.
Les bleus viennent de découvrir ou de redécouvrir Rodrigues. Pourquoi ? Qu’un leader de parti veuille aider nos sœurs et frères de la 21e circonscription n’a rien de mal. Bien au contraire, si la démarche est sincère et bien intentionnée. C’est loin d’être le cas du PMSD, qui a décidé de s’intéresser à Rodrigues seulement depuis que l’assemblée régionale a décidé de changer le nom de l’aéroport. Ce n’est plus l’aéroport Gaëtan Duval, mais il a retrouvé son joli nom de Plaine Corail.
On a depuis eu droit aux habituelles vulgarités de Mahmad Khodabaccus, qui promettait de faire Serge Clair, le Chef Commissaire, courir tout nu dans les rues de Port Mathurin. Tout le tam-tam a culminé avec la visite de cette semaine. Visite qui s’insère dans une stratégie bien précise. Xavier Duval a pourtant été un ministre proéminent de tous les gouvernements qui se sont succédé de 2005 à 2014, neuf longues années, et que rien de particulièrement probant n’a été entrepris pour accélérer le développement de Rodrigues. Voilà pourquoi l’intérêt soudain est plus que suspect. Or, on n’est plus dans les années 1970. On ne peut plus garder des réflexes de colons vis-à-vis d’une île qui a obtenu son autonomie depuis 2002.
Oui, ils étaient contre, eux, ce sont les opposants du PTr et du PMSD lorsque le projet de dévolution avait été présenté à l’Assemblée nationale en 2001 par le gouvernement MSM-MMM. Il faut peut-être revenir sur certains discours prononcés à l’occasion pour avoir une idée des positions d’arrière-garde de ce qui constituait alors l’opposition rouge-bleu. L’autonomie avait abouti au terme d’un travail considérable abattu par l’ancien juge Robert Ahnee et feue Antoinette Prudence. Sir Anerood Jugnauth et Paul Bérenger avaient fait œuvre historique en confiant la gestion de leur île à ses natifs, à ceux qui étaient au plus près de ses réalités.
Pour ne pas paraître comme de parfaits réactionnaires voulant “recoloniser” Rodrigues, le PMSD a, en juillet 2017, juste après le changement de nom de l’aéroport, présenté Clarencine Perrine comme sa représentante officielle à Rodrigues. Depuis la visite de cette semaine, c’est désormais Vincent Perrine qui est le porte-parole des bleus. Et illustration de ce rapport malsain, d’une autre époque, que veut entretenir le PMSD avec les Rodriguais, Vincent Perrine, que l’on a pu entendre sur certaines ondes hier, parle de manière emphatique de “Meusieu Xavier”. On est en 2019. On n’est plus à la période coloniale ou sur les propriétés sucrières des années 1950, où le “subalterne” s’adressait à son supérieur ou son employeur en termes de monsieur suivi de son prénom.
Cet épisode n’est pas sans rappeler celui du pauvre Alain Édouard, le syndicaliste du port qui, en mai 2016, avait dû adresser une lettre d’excuses au ministre des Communications extérieures Xavier Duval pour pouvoir retrouver son poste à la Cargo Handling Corporation parce qu’il avait été renvoyé pour n’avoir pas respecté les horaires de travail du 31 décembre 2015 et qu’il est parti à midi plutôt qu’à 15 heures. Oui, cette monstrueuse incongruité s’était passée il y a deux ans.
Aller à Rodrigues, présenter on ne sait qui, Thierry Henry peut-être, comme candidat aux générales parce qu’il serait un indésirable ici, et essayer de décrocher un siège de Best Loser, ou alors désigner quelques marionnettes locales, manipulables à souhait pour les élections régionales, pour faire quoi ? Ce que les Rodriguais, ceux qui ont plus de 50 ans, ont tristement vécu dans les années 1970.
En voyant leur île servir de résidence secondaire à un défouloir pour fêtards, voir des petits copains venir s’approprier l’île aux Cocos et témoigner du débarquement incessant de caisses de bouteilles de rhum qui servaient à mieux endormir une population qu’on méprisait. Cette époque est révolue. Rodrigues a toujours été digne et fière et ce sentiment n’a fait que croître depuis qu’elle a eu son autonomie. Elle a déjà tourné la page de l’assujettissement depuis 37 ans. Lorsque Gaëtan Duval, candidat dans quatre circonscriptions, y compris Rodrigues, avait été battu à plate couture en 1982 par France Félicité et Serge Clair.
On n’a pas toujours été d’accord avec Ivan Collendavelloo, mais ce qu’il a dit sur la visite de Xavier Duval à Rodrigues et le parallèle dressé avec les 10% de caution que son candidat à la partielle tenue dans sa propre circonscription de Belle Rose/Quatre-Bornes n’avait pas pu obtenir sonne, pour une fois, tout à fait juste.