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L’extinction de masse, c’est nous aussi

La Terre est tellement malmenée qu’une sixième “extinction de masse” serait à l’horizon. Prédiction d’alarmistes ? Non, constat que fait un rapport examiné cette semaine à Paris, rapport établi par des scientifiques de 150 pays réunis au sein de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques

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“Le patrimoine environnemental mondial est en train d’être altéré à un niveau sans précédent”, annonce ce rapport. Et la machine de destruction s’emballe puisqu’entre 500 000 et un million d’espèces pourraient disparaître dans les prochaines décennies.

En cause : « nos pratiques irresponsables en matière d’agriculture et d’élevage, la déforestation sans limite, la pollution des océans, la surpêche, le braconnage, le changement climatique qui résulte d’un peu de tout cela et des émissions sans relâche de CO2 ». Et l’humanité s’en verrait durement frappée car, comme le rappelle Robert Watson, responsable de la Plateforme, “la nature est cruciale pour la production alimentaire, pour l’eau pure, pour les médicaments et même la cohésion sociale”.

« Il faut le courage de dire la vérité aujourd’hui : la sixième extinction des espèces, c’est aussi celle de l’espèce humaine. Ne nous y trompons pas: on va vers une fin de l’humanité,” déclare le photographe et réalisateur Yann Arthus Bertrand.

« On a inventé un système qui est la croissance, le capitalisme, qui a marché quand nous étions 2 milliards. Maintenant nous sommes 7,6 milliards. Aujourd’hui nous sommes certes plus riches. Mais il y a un prix à payer : et c’est sur la biodiversité et sur le climat qu’il s’exprime », insiste cet écologiste convaincu.

De fait, les derniers rapports du GIEC sont très alarmants : alors qu’on parlait d’un réchauffement de 1 ou 2 degrés dans les années à venir, on parle aujourd’hui d’une température qui aura augmenté de 4 ou 5 degrés en 2100. « C’est énorme. Ça veut dire que dans 80 ans, on aura du mal à vivre sur cette planète. Ce qu’on n’a pas bien compris, c’est que la sixième extinction, c’est la mort de mes petits-enfants», insiste Yann Arthus Bertrand. « Or, on est dans un déni complet. On ne veut pas croire ce qui est en train d’arriver. On va vers une fin de l’humanité. Et nous sommes d’une inaction incroyable ». Pour lui, nous sommes au contraire face à l’absolue nécessité de réagir en masse et de toute urgence.

« Lors de la manifestation pour le climat, nous étions très contents d’être 50 000. Après la Coupe du monde de foot, on était 1,5 million sur les Champs Elysées. Quand on sera 1,5 million à manifester pour le climat, contre les pesticides etc, c’est ça qui fera bouger les politiques. Pour arriver à cela, il faut éduquer, il faut que cela entre dans les consciences. Ce n’est pas facile. Mais c’est nous qui détenons le pouvoir. Si nous n’avons pas envie de changer, les hommes politiques ne vont rien changer ».

C’est bien ce que montre ce qui s’est passé le 1er mai dernier en Grande Bretagne. Ce jour-là, le Parlement britannique est devenu le premier au monde à déclarer l’«urgence écologique et climatique ». Ce à l’initiative du Parti Travailliste de Jeremy Corbyn, qui a dit espérer que ce vote « déclenchera une vague d’action de la part des Parlements et des gouvernements du monde entier ».

Ce qu’il est important de souligner, c’est que ce vote survient après une longue mobilisation initiée par le mouvement Extinction Rebellion (XR), qui prône la désobéissance civile non violente contre l’inaction climatique, et qui a mené une série d’actions de blocages dans la capitale britannique. « La pression exercée sur nos politiciens va désormais s’accroître », estime le mouvement, qui attend désormais des « actions décisives ».

Reste cependant que la motion votée le 1er mai par les députés britanniques n’est pas contraignante.

De leur côté, quatre ONG ont décidé, en France, d’attaquer le gouvernement français pour “manquements” à son obligation d’action contre le dérèglement climatique. Soutenues par deux millions de signataires de la pétition “L’Affaire du Siècle”, ces quatre ONG ont déposé en justice, le 14 mars dernier, un recours qualifié de très ambitieux, et espèrent obtenir du juge une injonction faite au gouvernement à agir pour le climat.

Et chez nous ? Des jeunes se mobilisent aujourd’hui avec détermination pour émuler le mouvement de grève des vendredis lancé par la jeune Suédoise Greta Thunberg. Et un nombre croissant de consciences citoyennes s’expriment, et agissent, en vue de changer les mentalités et les façons de consommer notamment. Mais quid de nos partis politiques ? Sur quelle plateforme du 1er-Mai a-t-on mis en première ligne l’urgence écologique ? A part la mouvance Rezistans ek Alternativ, c’est le grand désert. Et cette mouvance est-elle-même hyper sollicitée sur d’autres fronts, dont celui de la réforme électorale en Cour. Pour ne pas parler des tracasseries policières infligées à ses dirigeants, Ashok Subron et Stefan Gua, pour une manifestation de protestation sonore mais pacifique tenue il y a deux ans contre la passation de pouvoir de Jugnauth père à Jugnauth fils sans avoir recours aux élections.

Où se situent donc nos priorités, alors que nous sommes face à une urgence absolue qui indique que nos petits enfants vont disparaître de cette planète si nous ne faisons rien aujourd’hui ?

SHENAZ PATEL

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