Jean-Claude Antoine
Si Anerood et Pravind Jugnauth ont eu le triomphe modeste dans leur victoire respective devant le Privy Council et la Cour Internationale de Justice, on ne peut pas en dire autant de certains de leurs partisans. Showkutally Soodhun, dont les excès en tous genres n’étonnent plus, a attribué la victoire du Premier ministre à Dieu. Sans doute espère-t-il bénéficier du même traitement dans l’affaire en cours qui l’a obligé à démissionner de son poste de ministre. S’il perd, attribuera-t-il sa défaite à Satan, comme c’est, semble-t-il, à la mode ces jours-ci ? Reprenant un comportement qu’il avait semblé avoir perdu à un moment, sir Anerood Jugnauth a accueilli la décision de la Cour Internationale de Justice avec retenue. Et pourtant, il aurait pu avoir le triomphe un peu plus vocal. Surtout si l’on se rappelle comment sa décision d’aller demander un avis consultatif avait été accueillie à l’époque. Les experts en tout avaient décrété que c’était l’initiative à ne pas prendre, un coup d’épée dans l’eau et autres gracieusetés sur sa méconnaissance du fonctionnement des institutions internationales. Oui, ce n’est qu’une victoire dans une guerre qui sera longue, avec des adversaires qui n’hésiteront pas à utiliser toutes sortes d’armes. Oui, l’avis consultatif ne signifie pas que les Chagos vont revenir sous la souveraineté mauricienne demain matin, et qu’après-demain, les Chagossiens pourront retourner vivre dans leurs îles. Non, cela prendra du temps, beaucoup de temps. La guerre que Maurice mène sera longue et ardue – d’autant plus que sa position paradoxale sur la base nucléaire peut avoir un effet boomerang. Mais sir Anerood Jugnauth a eu le mérite d’avoir développé une stratégie et de l’avoir suivie jusqu’au résultat final, que nous connaissons. Dans la longue bataille pour le retour des Chagos à Maurice, il aura été un des grands combattants et figurera en bonne place dans l’histoire du pays, ce qui a toujours été son ambition.
La manière de célébrer Maha Shivaratree a connu une évolution marquante au fil des années. Aux pèlerins vêtus de blanc portant sur leurs épaules de modestes kanwars ont succédé des groupes sponsorisés, avec t-shirts et casquettes, poussant des chars impressionnants qui perturbent davantage qu’avant la circulation sur leur passage. à ces chars se sont ajoutées des musiques jouées à fond la caisse — même au milieu de la nuit – dans des systèmes hi-fi dernier cri. Tout cela est en tout cas bien loin de l’expression de ferveur religieuse d’antan qui donnait à ces célébrations une dimension nationale.
L’Église catholique a raté sa conférence sur la lutte contre la pédophilie pratiquée en son sein par ses membres, parfois haut placés dans la hiérarchie. Après la multiplication des affaires impliquant des prêtres mais aussi de hauts dignitaires, dont plusieurs évêques. Après la prise de parole et les dénonciations des victimes — souvent psychologiquement traumatisées à vie —, dans le monde entier, on pensait que le temps était venu pour que l’église fasse son mea culpa et brise l’omerta qui a permis jusqu’ici aux prédateurs de s’en tirer à bon compte. Là où il aurait fallu des dénonciations et des condamnations publiques, il n’y a eu, dans la grosse majorité de cas, que des transferts discrets pour ne pas porter atteinte à l’image de l’Église. Avec la multiplication des cas et quelques prises de parole du Pape, on pensait que le temps était venu pour une rupture avec les règles non écrites mais soigneusement respectées du passé. Annoncée comme devant être une avancée importante dans le combat contre les abus sur les jeunes, cette conférence d’évêques est passée à côté du sujet. Dans son discours de clôture, le Pape François a attribué la responsabilité de la pédophilie dans son église non pas aux prêtres qui la commettent et à ceux qui les protègent, mais à Satan ! Est-ce cela qui a poussé le cardinal australien Pell, No 3 du Vatican, à commettre l’irréparable pour lequel il vient d’être reconnu coupable d’abus sur mineurs par la justice australienne? ! Du coup, ce Pape que l’on disait moderne a retrouvé le discours de l’Église d’hier, qui protège ses membres contre vents et marées, pas leurs victimes. Et l’on s’étonnera après ce discours que de plus en plus de catholiques se laissent tenter par d’autres religions…