Il justifie la publication du nouveau rapport du PRB cette année même et plaide pour une révision au même rythme des RO réglementant l’emploi dans le privé
«La demande patronale en vue d’un ciblage du paiement de la pension de vieillesse ne vise, à terme, qu’à l’élimination de cette pension », estime Rashid Imrith, syndicaliste. Interrogé en marge de la célébration de la fête du Travail ce mercredi 1er mai, le président de la Fédération des syndicats du service public (FSSP) justifie, par ailleurs, la publication du nouveau rapport du Pay Research Bureau (PRB) cette année même. Il plaide, parallèlement, pour une révision à la même fréquence de l’ensemble des Remuneration Orders (ROs) qui réglementent les conditions d’emploi et de salaires dans le privé.
En cette année 2019 qui marque le centenaire de la création de l’Organisation internationale du travail (OIT), quelle devrait être, selon vous, la principale préoccupation des partenaires sociaux ?
– Je pense qu’il est nécessaire en cette année du centenaire de l’OIT de réfléchir profondément sur l’avenir même du travail avec notamment en tête l’impératif d’un développement soutenable et la place de plus en plus prépondérante qu’occuperont dans le futur les technologies nouvelles, dont l’intelligence artificielle (IA).
A la FSSP, nous organiserons ce mardi 30 avril un forum de discussion sur ce thème en collaboration avec l’All Employees’ Federation et la participation d’universitaires. Il convient aussi en cette année de célébration des 100 ans de l’OIT de non seulement poursuivre la lutte pour l’amélioration des conditions d’emploi des travailleurs, mais encore de défendre vigoureusement leurs droits acquis.
Comme le droit à une pension de vieillesse, par exemple ?
– En effet, d’autant que cette soudaine demande patronale qui suggère que l’âge minimal pour bénéficier de la pension de vieillesse passe de 60 ans à 65 ans s’accompagne d’une requête tout aussi rétrograde pour un ciblage du paiement de cette pension. Ces demandes s’inspirent de l’idéologie ultralibérale du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM).
Les travailleurs se doivent de protester contre de telles suggestions patronales. Ces demandes ne sont que des ballons-sondes en vue éventuellement d’obtenir par la suite le démantèlement du PRB et du National Remuneration Board (NRB). Une subtile campagne mensongère est menée en vue de faire accroire aux travailleurs que la pension de vieillesse serait payée à partir des contributions au National Pension Fund (NPF).
Cela est complètement faux. La pension de vieillesse est puisée du Consolidated Fund constitué à partir du prélèvement des 15 % de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Une taxe indirecte payée tout à la fois par le salarié comme le chômeur, le riche comme le pauvre, le self employed comme l’employé à la retraite.
Pourquoi devrait-on, alors, cibler le paiement de cette pension ? Un ciblage qui serait, de prime abord, discriminatoire à l’égard du salarié dont les revenus exacts sont connus de la Mauritius Revenue Authority (MRA) contrairement à ceux des nombreux self employed, commerçants et autres professionnels.
D’ailleurs, il ne faut pas oublier que cette pension de vieillesse est un revenu taxable que le salarié qui paie l’impôt sur le revenu est tenu de déclarer. A y regarder de plus près, cette question de « targeting » qu’évoque le patronat n’est qu’une astuce pour se débarrasser, à terme, de la pension de vieillesse.
Quel est votre constat de la situation à Maurice en ce dimanche 28 avril, Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail ?
_ Je dois dire que la sécurité et la santé sur le lieu du travail n’ont jamais été un dossier prioritaire pour les différents gouvernements qui se sont succédé jusqu’ici. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à songer au traitement de la question de la présence de l’amiante sur des lieux de travail.
Pourtant, avec l’avènement des nouvelles technologies, par exemple, de nouveaux risques à la santé sont apparus en milieu de travail. Sans compter les risques associés au changement climatique, particulièrement pour les travailleurs qui se rendent au travail par le transport en commun, qu’il pleuve ou qu’il tonne.
Bien sûr, les roitelets, petits chefs et autres décideurs qui se rendent au bureau en voiture « chauffeur driven » et qui disposent d’un parking couvert n’ont pas idée des risques pour sa santé et sa sécurité que peut encourir un simple travailleur contraint, en route, de patauger dans des mares boueuses et qui arrive à son travail trempé jusqu’aux os et qui doit y demeurer sans même pouvoir se changer jusqu’à la fermeture des bureaux tard dans l’après-midi.
Cette absence criante, depuis longtemps, d’un réel plan d’aménagement du territoire qui aurait permis à tous, à commencer par les piétons, de circuler sans danger en toutes circonstances, est ahurissante.
Une question personnelle : faut-il voir en la distinction qui vous a été octroyée pour la fête nationale un signe que l’Etat reconnaît votre contribution à la cause syndicale ou, plutôt, une offre pour acheter votre silence ?
– Je pense, sincèrement, que la République a tenu, par ce geste, à témoigner de sa reconnaissance pour mes quarante années d’engagement pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. D’ailleurs, les très nombreux messages de félicitations que j’ai reçus m’ont convaincu que cette distinction était long overdue.
Les meilleurs moments de ma vie, je les ai consacrés au service de mes concitoyens en tant que syndicaliste. Je prends, dès lors, l’engagement que je consacrerai les années qui me restent à vivre au service de ces mêmes concitoyens.
Sur un plan plus sectoriel, pourquoi insister pour que le nouveau rapport du PRB soit publié cette année même ?
– Aussi loin qu’en 1978, il avait été agréé, après discussions, que ce rapport qui régit les conditions d’emploi et de salaires des fonctionnaires soit publié tous les deux ou trois ans. Toutefois, dans les faits, le rapport est sorti tous les cinq ans, en moyenne, jusqu’en 2013 quand le rapport Manraj a recommandé que le PRB publie son rapport tous les trois ans.
Or, en 2016, année de publication du dernier rapport, le PRB avait dit qu’un nouveau rapport ne sera pas publié avant cinq ans. Tout en maintenant que le rapport doit être soumis tous les trois ans, nous suggérons qu’exceptionnellement le nouveau rapport soit publié en octobre et mis en application en janvier 2020.
Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, ayant officiellement déclaré que notre proposition était à l’étude, j’ai des raisons de penser que le gouvernement se montrera compréhensif. J’en profite pour dire que le NRB devrait procéder à une revision à la même fréquence de l’ensemble des Remuneration Orders (RO) qui règlementent l’emploi dans le secteur privé et d’élaborer également de nouveaux RO pour les secteurs qui ne sont pas encore couverts à l’image de celui des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).