— Alors comment c’était ?
— Mari top, je te dis. Mari trop top même !
— Tu vois que je t’avais bien dit. Et dire tu as fait tout un cinéma avant d’accepter.
— C’est vrai toi. Mais tu sais comme je suis… je n’aime pas dormir chez les gens. Et en plus à l’étranger.
— A l’étranger, mais qu’est-ce que tu racontes ? C’est pour nous même là-bas !
— Là, je ne suis d’accord avec toi.
— Hé toi-là : Rodrigues, ça appartient à Maurice, non ?
— Mais pas du tout, toi. C’est une partie de Maurice, mais ce n’est pas pour Maurice, comme tu viens de dire.Rodrigues a sa spécificité, sa culture, son autonomie son assemblée régionale tout ça.
— Je ne comprends rien du tout. Laisse tomber l’autonomie tout ça. Alors comment était le séjour ?
— Mari top, comme je viens de te dire. On a fait des excursions, des marches, des promenades en bateau et du shopping.
— Du shopping ? Qu’est-ce que tu as acheté comme ça ?
— Tous mes cadeaux de l’année, toi. Des tentes, des sacs, des plateaux et des sets de tables en vacoas. Puis, toutes sortes d’achards, de piments, d’aigre-doux et du miel. Sans oublier les ourites sèches et le poisson salé blanc.
— Tout ça, tu as acheté toi ? Mais tu sais que tu peux trouver toutes ces affaires-là dans les supermarchés à Maurice maintenant ?
— Oui, mais quand tu achète sur place, c’est pas pareil. Ils ont une autre manière de faire. Tu sais combien de fois j’ai acheté du limon et du miel pour faire de l’aigre-doux ? Jamais j’ai réussi. A chaque fois ça ressemble à une mousse qui est en train de larguer, je te dis.
— Tu as dû payer des excédents de bagages, parce que tu n’as pas droit à beaucoup de kilos en avion.
— Pas du tout, toi. Quand on est parti, on n’avait emmené que deux, trois linges, juste le nécessaire et beaucoup de bouteilles pour les fêtes. Quand on est retourné, on avait de la place et des kilos.
— Mais comment tu as fait pour transporter des ourites et du poisson salé dans ta valise ? Ça qui sent pue ça !
— Laisse-moi te dire qu’ils sont mari organisés les marchands là-bas : ils te font des emballages extra avec du gros tape bien collants, je te dis !
— Ok. Mais quand tu vas cuire l’ourite et le poisson salé chez toi, l’odeur va faner dans toute ta maison, toi.
— Pas du tout. Ma bonne va faire chez elle pour emmener pour moi.
— Ah, bon, si c’est comme ça… Tu as bien mangé là-bas ?
— C’était mari top, je te dis. On a mangé des grillades, des caris avec des haricots et des salades de papaye avec le limon et le piment de Rodrigues ! Jamais j’ai aussi bien mangé que ça. J’ai me suis goinfré, je te dis. Sans compter les flans de manioc, les gâteaux cocos et les gâteaux pistache caramélisés ! Il va falloir que je fasse un régime sérieux pour perdre tout ce que j’ai pris à Rodrigues.
— Quel régime tu vas faire, comme ça ?
— Je ne sais encore. Je voulais faire un seul repas par jour, mais une copine m’a suggéré le régime du lait.
— Jamais entendu parler. Comment on fait ce régime-là ?
— On ne prend que du lait pendant une semaine.
— C’est comme le régime tout thon, mais sans l’odeur.
— Ah bon, ça existe le régime tout thon ?
— Oui, tu manges que des boîtes de thon pendant quinze jours.
— Mais si tu fais ce régime-là, tu vas sentir l’usine de thon. — Ça même que mon mari et mes enfants ont dit quand j’ai fait le régime.
— L’idéal serait que fasse des exercices, mais avec cette chaleur-là, tu n’as pas le courage, toi. — En tout cas, on dirait que tu as eu un mari good times à Rodrigues.
— Ça oui. Il y a une seule affaire que j’ai pas trop aimé làbas.
— Ah bon ! Quoi ?
— Là-bas, tu ne peux pas faire un pas sans tomber sur un Mauricien.
— C’est normal toi, parce que les Rodriguais sont des Mauriciens.
— Je voulais dire que surtout pendant les fêtes, tu ne peux pas faire un pas à Port Mathurin sans tomber sur un Mauricien de Maurice.
— Tu n’avais qu’à les éviter, c’est tout.
— Ils étaient partout, je te dis. Et tu sais comme les Mauriciens sont : ils parlent fort, font leur conne-tout, leur faiseur et leur grand noire et te parlent de Rodrigues comme s’ils connaissent Rodrigues mieux que les Rodriguais. Et puis certains ont une mauvaise habitude.
— Ah bon. Quelle mauvaise habitude encore ?
— Celle de tout marchander. Ils marchandent tout, toi. Tout, je te dis.
— Tu n’es pas en train d’exagérer un peu, là ?
— Non, je te dis. Certains Mauriciens sont comme ça. Ils marchandent tout. Même le prix des limons que l’on vent une roupie pièce !