« La chancelière allemande Angela Merkel n’a pas d’enfants.
Le Président français Emmanuel Macron n’a pas d’enfants.
La Première ministre britannique Theresa May n’a pas d’enfants.
Le Premier ministre italien Paolo Gentiloni n’a pas d’enfants.
Le Premier ministre hollandais Mark Rutte n’a pas d’enfants.
Le Premier ministre suédois Stefan Löfven n’a pas d’enfants.
Le Premier ministre du Luxembourg, Xavier Bettel, n’a pas d’enfants.
La First minister d’Ecosse, Nicola Sturgeon, n’a pas d’enfants.
Le Président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, n’a pas d’enfants.
En gros, un nombre disproportionné de ceux qui prennent des décisions pour l’Europe n’ont pas d’intérêt personnel direct dans ce futur. »
Faut-il avoir des enfants pour se préoccuper de l’avenir de son pays et du monde ? Le jugement énoncé plus haut par le journaliste américain Phil Lawler semble réducteur, dans sa façon d’indiquer qu’il faut posséder un intérêt personnel dans une situation pour s’en préoccuper. Comme si, pour s’inquiéter du racisme par exemple, il fallait en avoir été victime.
Mais c’est, malgré tout, ce que semblent un peu nous dire les jeunes qui, à travers la planète, se sont mobilisés le 15 mars dernier pour rejoindre la Marche des jeunes pour le Climat. Vendredi, ils ont en effet été plus d’un million d’étudiants, de lycéens et de collégiens à défiler dans 2 000 villes de 125 pays (dont Maurice) pour demander à leurs dirigeants d’agir contre le dérèglement climatique. Avec des slogans accusateurs comme « You broke my (h)earth » face aux adultes qui n’ont pas eu à cœur leur intérêt.
« Hier, des dizaines de milliers de jeunes sont descendus dans la rue pour adresser un message clair aux dirigeants de ce monde : agissez maintenant face à l’urgence climatique pour sauver notre planète et notre avenir », a écrit le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, dans une tribune publiée ce samedi dans le quotidien britannique The Guardian. « Ces écoliers et écolières ont compris ce qui semble échapper à bon nombre de leurs aînés : nous luttons pour notre survie, et nous sommes en train de perdre la bataille ».
A la différence du président américain Donald Trump, le Secrétaire général des Nations Unies estime que l’urgence climatique est bien une réalité. « Bientôt, il sera trop tard. Nous ne pouvons plus nous permettre de rester les bras croisés, et reporter la lutte contre les changements climatiques est presque aussi néfaste que nier leur existence » a-t-il insisté.
Malgré des années de discussions, de sommets et d’accords, les émissions mondiales atteignent aujourd’hui des niveaux records, la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère étant la plus élevée que notre planète ait connue depuis 3 millions d’années. Concrètement, cela se traduit notamment par une hausse de la température. Ces quatre dernières années ont ainsi été les plus chaudes jamais enregistrées. Dans l’Arctique, les températures hivernales ont augmenté de 3 °C depuis 1990. Résultat : le niveau des mers monte, les récifs coralliens se meurent. Et l’on commence véritablement à mesurer les conséquences de ce changement climatique sur la santé et sur la sécurité alimentaire entre autres.
« Ma génération n’a pas été à la hauteur face à la menace titanesque des changements climatiques », a reconnu António Guterres, « et les jeunes font les frais de cette inaction. Rien d’étonnant à ce qu’ils soient en colère ».
C’est effectivement de la colère qu’ont manifesté ces milliers de jeunes vendredi. Et l’on mesure le chemin accompli par ce mouvement depuis son lancement par la jeune suédoise Greta Thunberg, qui a initié en août 2018 la « grève de l’école pour le climat », un sitting hebdomadaire devant le Parlement de Stockholm. Depuis, sa voix est devenue planétaire.
Entre peur et colère, ces jeunes veulent donc aussi être les voix de l’espoir. Cause déjà perdue ? Pas si on en croit le secrétaire général de l’ONU, qui fait ressortir que le monde dispose de l’Accord de Paris sur le climat conclu en 2015. « Un cadre précurseur, viable et tourné vers l’avenir, qui énonce précisément ce qui doit être fait pour mettre un terme au dérèglement climatique et en inverser les effets », a-t-il rappelé. Un accord qui n’a toutefois de sens que s’il s’accompagne d’une action ambitieuse, souligne António Guterres. C’est pourquoi, dit-il, il compte convier cette année l’ensemble des dirigeants mondiaux à New York au mois de septembre prochain pour un grand Sommet sur l’action pour le climat. « Avec des projets réalistes et concrets destinés à améliorer leurs contributions déterminées au niveau national d’ici à 2020 afin de réduire des émissions de gaz à effet de serre de 45 % au cours des 10 prochaines années et d’atteindre l’objectif ‘zéro émission’ à l’horizon 2050 », a-t-il ajouté.
Face aux précédents sommets, la différence cette fois pourrait-elle venir de cette nouvelle vigilance exercée par des jeunes du monde entier ? L’avenir nous le dira. Le fait est qu’ils sont désormais de plus en plus nombreux à se montrer déterminés à demander des comptes à leurs dirigeants. Parce qu’au delà d’être les enfants de l’un ou de l’autre, ils ont la conscience d’être les enfants de cette terre. Déjà un beau pas…