Côte d'Ivoire: appels à manifester contre l'exclusion d'un opposant, test avant la présidentielle

Les sympathisants du principal parti d'opposition en Côte d'Ivoire sont appelés à manifester jeudi devant les tribunaux du pays après l'exclusion de leur candidat Tidjane Thiam de la course à la présidentielle, les autorités prévenant que "le désordre ne sera pas toléré".
A Abidjan, capitale économique comptant 6 millions d'habitants, la marche était prévue à 09H00 (locale et GMT), de la permanence du parti dans le quartier des affaires du Plateau jusqu'au tribunal voisin.
Plusieurs rues autour de la permanence du parti et du tribunal étaient bouclées par la police, a constaté une journaliste de l'AFP. Une centaine de militants étaient réunis dans la cour du parti vers 10h00. Une vingtaine de femmes scandaient "PDCI (parti de M. Thiam) vivra, vaincra", ou "Trop, c'est trop".

Pour Jean-Michel Amankou, membre du bureau politique et député, "c’est une marche de soutien pour défendre la cause de notre parti". "Nous ne pouvons pas cautionner cette mascarade, nous avons décidé d’enclencher une petite marche vers le palais de justice pour exprimer notre désaccord, notre mécontentement, et surtout en étant très pacifiques", a-t-il ajouté.
A Bouaké (centre), deuxième ville du pays, les forces de l'ordre se sont également déployées autour du tribunal, a constaté un correspondant de l'AFP.
Six mois presque jour pour jour avant le scrutin présidentiel du 25 octobre, il s'agit d'un important test pour voir si l'opposant Tidjane Thiam, un banquier international de 62 ans actuellement en France, réussira à mobiliser la rue et quelle sera l'attitude des forces de l'ordre.
Les périodes électorales sont toujours tendues dans le pays francophone le plus riche d'Afrique subsaharienne, encore traumatisé par des violences meurtrières en 2010-2011. Il est redevenu cette dernière décennie un pôle de stabilité dans une région secouée par les coups d'Etat militaires et les attaques jihadistes.
Le chef des députés du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, opposition), Simon Doho, avait appelé mercredi à une mobilisation nationale: "Partout sur l'étendue du territoire, chaque Ivoirien là où il se trouve va marcher devant le palais de justice de sa région, de sa ville."

"Il n'y a pas de paix en Côte d'Ivoire, il y a une situation de tension, il y a une situation antidémocratique, il y a un déni de démocratie", a-t-il affirmé un peu plus tard dans la journée dans une vidéo.
En Côte d'Ivoire, les manifestations peuvent avoir lieu avec une autorisation de la police, mais sont presque systématiquement refusées.
- "Désordre pas toléré" -
"Le désordre ne sera pas toléré. Ce n’est pas une menace, on peut considérer que c’est un conseil", a souligné le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, à l'issue du conseil des ministres.
Les tensions politiques montaient progressivement ces dernières semaines dans le pays, premier producteur mondial de cacao, depuis l'éviction d'autres opposants, comme l'ancien président Laurent Gbagbo (2000-2011), exclu de la course en raison d'une condamnation judiciaire.

Mais les choses se sont brutalement accélérées mardi lorsque le tribunal d'Abidjan a radié M. Thiam de la liste électorale, estimant qu'il avait perdu sa nationalité ivoirienne. La décision n'est susceptible d'aucun recours et ferme donc la porte à sa candidature.
Né en Côte d'Ivoire, il avait obtenu la nationalité française en 1987 et y avait renoncé en mars afin de se présenter à la présidentielle, un scrutin pour lequel un candidat ne peut être binational.
"Gonflé à bloc", Tidjane Thiam s'est déclaré déterminé à aller de l'avant: "C'est moi ou personne, nous ne présenterons pas d'autre candidat."

"On va continuer à se battre sur le terrain et montrer au pouvoir que c'est une décision qui est mauvaise pour la Côte d'Ivoire", a-t-il assuré dans un entretien téléphonique à l'AFP.
Si ses partisans ont dénoncé une décision "politique" visant à écarter leur candidat, le parti au pouvoir répond ne pas être impliqué dans cette affaire.
Ce dernier n'a de son côté pas encore désigné son candidat. Il organisera en juin un congrès au cours duquel Alassane Ouattara, 83 ans, président depuis 2011, pourrait se prononcer. Le chef de l'Etat s'est déjà dit "désireux de continuer à servir son pays".